Débat / Rencontre
La langue de l'autre
Avec Alberto Manguel, Herta Müller et Tzvetan Todorov
16 oct. 2008
L'événement est terminé
Avec Alberto Manguel, Herta Müller et Tzvetan Todorov.
Herta Müller, romancière et essayiste, née en Roumanie dans la région germanophone du Banat, vit depuis 1987 à Berlin. Son œuvre est fortement marquée par la dictature roumaine. Elle a notamment publié La Convocation (Métailié). Herta Müller lira un extrait d'une conférence prononcée à Sarrebrück en 2001, "Heimat ist das, was gesprochen wird", parue dans une traduction de Nicole Bary, dans le numéro 13/automne-hiver 2008 de la revue Siècle 21.
Tzvetan Todorov, d'origine bulgare, sémiologue, historien des idées et philosophe est l'auteur d'une oeuvre importante sur la littérature, l'histoire, la politique et la morale. Son dernier livre, à paraître en septembre 2008 chez
Robert Laffont : La Peur des Barbares - Au-delà du choc des civilisations.
Herta Müller, née le 17 août 1953 à Niţchidorf, est une romancière allemande d'origine roumaine, douzième femme lauréate du prix Nobel de littérature en 2009. Allemande du Banat, née à Niţchidorf/Nitzkydorf, alors village germanophone du judeţ de Timiş, dans la région de Timişoara, elle a émigré en Allemagne en 1987, fuyant la dictature de Nicolae Ceauşescu. Ses œuvres, marquées par une extraordinaire force poétique et un langage d'une précision sèche, évoquent souvent la violence contre les plus faibles, l'injustice, les terreurs de la dictature. Ses deux premiers livres (Niederungen et Drückender Tango), parus à Bucarest avant la chute du régime, ont été censurés. En Allemagne, H. Müller est considérée comme faisant partie de la Weltliteratur (la « littérature du monde »)
Herta Müller est née Souabe du Banat, minorité allemande de Roumanie vivant dans cette région. Son grand-père était un riche fermier et homme d'affaires exproprié par le régime communiste d'après-guerre. Sa mère est déportée en URSS et y passe cinq années dans un camp de travaux forcés du Goulag. Son père, ancien soldat de la Waffen-SS, gagne sa vie comme chauffeur de camion.
Après l'école secondaire, Herta Müller étudie les littératures allemande et roumaine à l'université de Timişoara.
À partir de 1976, elle travaille comme traductrice dans une usine de machines, mais est licenciée en 1979 après son refus de coopérer avec la Securitate, la police secrète roumaine. Elle gagne alors sa vie comme enseignante temporaire dans des écoles – entre autres le lycée germanophone Nikolaus Lenau de Timişoara - et dans les écoles maternelles ayant des cours privés d'allemand. Dans les années 1970, elle est proche de l'Aktionsgruppe Banat, un groupe d'intellectuels roumains d'origine allemande qui était surveillé de près par la Securitate. Elle fait aussi partie du cénacle littéraire (Literaturkreis) Adam Müller-Guttenbrunn, cénacle affilié à l'Association des écrivains de Timişoara (Asociaţia Scriitorilor din Timişoara).
Son premier livre, Niederungen (Bas-fonds) est publié en 1982, mais est censuré, comme toutes ses autres publications parues en Roumanie avant la chute du régime communiste. Deux ans plus tard, peu de temps après la publication de son deuxième livre en Roumanie, Niederungen est publié en version intégrale en République fédérale d'Allemagne. La réaction des autorités communistes roumaines est sévère : Herta Müller se voit interdire le droit de publier en Roumanie.
En 1987, Herta Müller émigre avec son mari, l'écrivain Richard Wagner, en République fédérale d'Allemagne. Les années suivantes, elle obtient plusieurs postes d'enseignante comme écrivain « en résidence » dans des universités allemandes et étrangères.
En 2005, elle est professeur invité à la chaire « Heiner Müller » de l'université libre de Berlin, où elle vit aujourd'hui. Au cours de la même année, elle publie son premier livre écrit en roumain (le volume de poésie-collage Este sau nu este Ion, Iaşi : Polirom).
Herta Müller a été membre jusqu'à sa démission en 1997, du PEN club d'Allemagne. Depuis 1995, elle est membre de l'« Académie allemande pour la langue et la littérature » (Deutsche Akademie für Sprache und Dichtung).
En 2008 a eu lieu un débat de politique intérieure concernant la participation de l'historien Sorin Antohi et du germaniste Andrei Corbea-Hoisie à une réunion de l’« Institut culturel roumain de Berlin » du 25 juillet 2008, car tous les deux avaient été des informateurs de la Securitate.
Herta Müller a critiqué l'invitation dans une lettre ouverte. Dans le cadre de cette polémique, l'historien, philosophe et homme de lettres Carl Gibson, lui aussi natif du Banat, l'a attaquée en lui reprochant dans son livre Symphonie der Freiheit (Symphonie de la liberté) le système de loyauté sous le régime Ceauşescu.
Dans un article paru dans l'hebdomadaire Die Zeit le 23 juillet 2009 et intitulé « La Securitate est toujours en service », Herta Muller décrit à quelles mesures « pour le compromis et l'isolement » elle a été soumise par les services secrets roumains et l’est encore aujourd'hui. Les dossiers da la Securitate indiquent comment sa critique infatigable vis-à-vis de la dictature Ceauşescu devait être rendue peu digne de foi par des mesures prises pour la discréditer. Ainsi, des lettres forgées par la Securitate ont été envoyées à des stations de radio allemandes, dans lesquelles elle était accusée d’en être un agent. En outre, ils ont accusé des personnes dirigeantes de la Communauté des Souabes du Banat, d’être des collaborateurs informels de la Securitate, au nom du Parti communiste roumain.
En 2009, son roman Atemschaukel publié grâce à une bourse de la Fondation Robert Bosch, est nommé pour le Prix du livre allemand, et atteint la finale des six meilleurs romans : dans ce livre, l'auteur retrace le parcours d'un jeune homme dans un camp du Goulag soviétique, exemple du sort de la population allemande de Transylvanie après la Seconde Guerre mondiale. Elle dit s’être inspirée de l'expérience du poète Oskar Pastior, décédé en 2006 et lauréat du prix Georg-Büchner, dont elle avait consigné les souvenirs oraux dans plusieurs cahiers.
Le 8 octobre 2009, elle reçoit le prix Nobel de littérature pour l'entièreté de son œuvre « qui, avec la concentration de la poésie et l'objectivité de la prose, dépeint les paysages de l'abandon. »
Tzvetan Todorov, né le 1er mars 1939 à Sofia, dans une famille de bibliothécaires bulgares, il se rend à Paris en 1963 et devient docteur d'État en 1970. Il acquiert la nationalité française en 1973. Il travaille au CNRS à partir de 1968 ; il y est actuellement directeur de recherches honoraire. Entre 1983 et 1987, il dirige le Centre de recherches sur les arts et le langage.
Initialement théoricien de la littérature, il se consacre depuis les années 1980 à l’histoire des idées, aux problèmes de la mémoire et au rapport à l’autre dans des cadres historiques aussi divers que la conquête du Mexique ou les camps de concentration totalitaires.
Tzvetan Todorov est d'abord remarqué pour sa traduction des Formalistes russes (1965), qui a largement contribué à la diffusion de la poétique contemporaine. Son essai Littérature et signification a fait de lui un des pionniers de la renaissance de la rhétorique; dans son Introduction à la littérature fantastique (1970), il analyse le genre littéraire de la littérature fantastique. C'est aussi en 1970 qu'il fonde avec Gérard Genette la revue Poétique.
Les réflexions postérieures de Todorov portent principalement sur l'altérité et notamment sur la question du « nous » et des « autres » dans les discussions des humanistes en Europe lors de la découverte du Nouveau Monde, pendant le processus de colonisation ou au cours du XXe siècle, ainsi que sur la question de la mémoire.
Son analyse de la vie commune s'inscrit dans une démarche à la fois anthropologique et historique. Ses recherches sur l'histoire de l'humanisme mettent en valeur l'œuvre de J.J. Rousseau, Montesquieu, Montaigne, Benjamin Constant Jacques Cazote .
Tzvetan Todorov a été professeur invité dans plusieurs grandes universités américaines : à New York, à Columbia, à Harvard, à Yale et l'université de Californie. Il est docteur honoris causa de l'Université de Liège. Il a reçu plusieurs prix importants.
Il est le mari de Nancy Huston.
Quand
À partir de 19h30