Corps en marge, récits en mouvement

Trois artistes du champ chorégraphique international – Ligia Lewis, Gerard & Kelly et Eszter Salamon – engagent un dialogue sensible avec les sujets d’histoire et de société, au cours d’un voyage qui part du village Santarcangelo di Romagna en Italie, jusqu’à l’Olympia Stadium à Berlin en passant par la Cité radieuse à Marseille. Investissant des monuments du passé, physiques ou abstraits, et les figures humaines qui les hantent , la danse fait naître des imaginaires alternatifs à de futurs possibles.

A Plot A Scandal (2022) de Ligia Lewis convoque et enchevêtre les multiples sens du mot anglais « plot » – celui du récit, du terrain, et du complot. Partant d’un jardin de cyprès géométrique, image de la nature dominée et subordonnée, il tisse une série d'événements historiques, politiques et mythiques. Il confronte les idées de la liberté et de la propriété privée du philosophe John Locke (1632-1704), au complot révolutionnaire de l’esclave affranchi José Aponte qui a conduit à l’insurrection abolitionniste de 1812 à La Havane, en passant par l'arrière-grand-mère de l’artiste.

Bright Hours (2023) de Gerard & Kelly s’inscrit dans un cycle de travail au long cours, Modern Living, qui explore les mécanismes culturels, sociaux et politiques entre l’architecture d’habitation et les relations humaines qui s’y développent. Il met en scène Jeanne Balibar dans le rôle de Le Corbusier et Emara Neymour-Jackson, dans le rôle de Joséphine Baker. Germain Louvet, étoile du ballet de l’opéra de Paris, s’associe à une troupe de musicien·nes et de danseurs·seuses marseillais·es pour transformer la Cité radieuse en une explosion de couleurs et de communautés.

Sommerspiele (2023) d’Eszter Salamon est une spéculation cinématographique sur l'histoire et la mémoire qui explore l'œuvre et la vie de l'artiste allemande d'avant-garde Valeska Gert (1892-1978) dans le contexte historique des Jeux olympiques d'été qui se sont déroulés en 1936 à Berlin. Le film résiste poétiquement aux représentations de la propagande nazie et déstabilise notre mémoire. Avec en toile de fond ce site architectural qui sert aujourd'hui à des événements sportifs, des divertissements de masse et des loisirs, le film aborde les défaillances de la mémoire collective sous la forme d'une résistance poétique.