Séminaire Université permanente de Paris

Le défi cinématographique s’annonce double : enrayer un imaginaire médiatique hostile et fabriquer des images nouvelles. Celles-ci travaillent à rendre justice à l’espace vécu des habitant·e·s des périphéries ainsi qu’à leurs engagements pour vivre dans un cadre décent.

Comme le montre La Zone (1928) de Georges Lacombe, l’un des premiers films tournés en banlieue parisienne, cet enjeu est presque aussi ancien que le cinéma documentaire lui-même. Néanmoins, s’il s’agissait d’abord de témoigner d’un état social du paysage urbain, le cinéma documentaire a par la suite emprunté d’autres formes filmiques pour se mouvoir en son sein. Par-delà leurs différences géographiques et stylistiques, ce qui relie Chronique d’une banlieue ordinaire, L’Autre Jour et La Ville est-elle une seule ? est le pari d’un film performé à partir d’une expérience urbaine partagée entre filmeur·euse·s et filmé·e·s.

Dans Chronique d’une banlieue ordinaire, la cinéaste française Dominique Cabrera arpente une cité HLM qui sera détruite, en suivant patiemment les pas et les adieux de ses ancien·ne·s résident·e·s. Dans L’Autre Jour, le documentariste chilien Ignacio Agüero se déplace dans les confins de sa ville natale, Santiago, au fil des rencontres qui ont eu lieu au seuil de sa porte. Enfin, dans La Ville est-elle une seule ?, le réalisateur brésilien Adirley Queirós repousse la frontière avec la fiction en faisant cohabiter témoignages réels de la construction de Brasília et campagne politique fictive dans une cité périphérique.

Ainsi, ces quatre films ensemble n’œuvrent pas seulement à donner une visibilité à des lieux jusque-là privés d’écran : ils participent à la fondation de nouveaux lieux de cinéma, dont les habitant·e·s sont tour à tour gardien·ne·s de la mémoire et bienheureux·se·s conteur·euse·s.

Intervenante : Claire Allouche, docteure en études cinématographiques, critique aux Cahiers du cinéma et programmatrice pour les Regards Satellites.