Alice Rohrwacher, rêver entre les mondes

Sa filmographie explore au présent un passé ancestral, naviguant entre histoire et mythes, ruralité et modernité, à l’instar de ses fictions dans lesquelleÉs joue sa sœur aînée, l’actrice Alba Rohrwacher – Les Merveilles (Grand prix, Cannes 2014), Heureux comme Lazzaro (Prix du scénario, Cannes 2018), Le Pupille (nominé aux Oscars 2023) –, mais aussi dans certains de ses documentaires, courts et longs métrages – Una canzone, Omelia contadina coréalisé avec JR, Futura coréalisé avec Pietro Marcello et Francesco Munzi.

Digne héritière d’une lignée de grands cinéastes transalpins, de Pasolini à Rossellini en passant par De Sica, Olmi et Fellini, Alice Rohrwacher ne cesse de chercher, d’expérimenter, d’explorer la fiction, du trivial jusqu’au merveilleux, tout en puisant dans le réel pour en faire émerger une vérité cachée. Son recours à la pellicule dont elle sonde les infinies possibilités, fruit d’une longue et fructueuse collaboration avec la cheffe-opératrice Hélène Louvart, et les narrations qu’elle déploie, épaulée par Nelly Quettier au montage depuis quelques années, donnent naissance à des formes très libres et intuitives qui nous ravissent les sens. 

Tous ses films sont projetés, y compris les épisodes qu’elle a réalisés pour la série télévisée, L’Amie prodigieuse. Son dernier film en date, La Chimère (en compétition officielle au festival de Cannes 2023), avec Isabella Rossellini et Josh O’Connor, sur un pilleur de tombes à la recherche d’un amour perdu dans un autre monde, est présenté en avant-première pour l’ouverture de la rétrospective, en présence de la cinéaste et de Josh O’Connor. Comme ses précédents films, ce quatrième long métrage abrite en son sein des communautés de cœur alternatives et marginales au sein desquelles la plupart de ses personnages trouvent refuge, transformant les détritus et les ruines en havre, apprivoisant tout un bestiaire pour s’en faire une famille élargie. 

En parallèle, une importante exposition-installation inédite, Bar Luna, conçue par Alice Rohrwacher et la compagnie de théâtre italienne Muta Imago, avec la participation du fleuriste paysagiste Thierry Boutemy, est présentée au niveau –1 du Centre Pompidou. Inspirée par l’univers de la cinéaste, et en particulier celui de La Chimère à travers le mythe d’Orphée et Eurydice, elle nous questionne sur la rémanence du passé et sur nos racines dans un parcours constitué de décors d’un film imaginaire reliant différents mondes. Des étudiants, étudiantes, des performeurs, performeuses leur donnent régulièrement vie par le biais de visites ponctuées de lectures et de performances.