Hélène
1960
Hélène
1960
Domaine | Oeuvre en 3 dimensions |
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Technique | Peinture sur bois, Alabastine et métal peint |
Dimensions | 64 x 142 x 18 cm |
Acquisition | Dation, 2011 |
N° d'inventaire | AM 2012-105 |
Informations détaillées
Artiste |
Jesús Rafael Soto
(1923, Venezuela - 2005, France) |
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Titre principal | Hélène |
Date de création | 1960 |
Domaine | Oeuvre en 3 dimensions |
Technique | Peinture sur bois, Alabastine et métal peint |
Dimensions | 64 x 142 x 18 cm |
Acquisition | Dation, 2011 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Contemporain |
N° d'inventaire | AM 2012-105 |
Analyse
À la fin de 1957, Soto confronte pour la première fois un écheveau entortillé de fils de fer trouvés avec un fond strié, et intitule « Première vibration » l’œuvre réalisée.
L’expérience consistant à associer des éléments trouvés à des fonds striés va se poursuivre durant cinq ans, de 1958 à 1962 : « J’ai senti la nécessité de me prouver à moi-même que je pouvais utiliser n’importe quel élément dans mon travail, raconte Soto dans ses Conversations avec Ariel Jiménez. L’idée était d’utiliser les plus insignifiants mais aussi les plus solides sur le plan formel – vieux bois, fil de fer, aiguilles, grillages, tuyaux –, de les inclure dans mon travail et de les amener à l’état de désintégration à travers la pure vibration1. »
En effet, si le fil de fer trouvé constitue durant toutes ces années le matériau de base de ses œuvres, il est loin d’être le seul. Soto fréquente alors assidûment Jean Tinguely et visite avec lui dépôts d’objets usagés et magasins de ferrailleurs. Celui-ci est en outre à l’origine de ses rencontres avec quelques-uns des protagonistes les plus actifs du Nouveau Réalisme, notamment Yves Klein et Daniel Spoerri, dont l’impact va s’avérer essentiel. C’est, dans cette période, l’expressivité du matériau trouvé que Soto va rechercher, mais aussi son inclusion dans « l’espace-temps », c’est-à-dire sa dématérialisation optique perceptible par le spectateur : « Il s’agissait pour moi d’étudier toutes les possibilités de la vibration, mêmes les plus infimes, confiera-t-il en 1999 à Daniel Abadie. Une ligne droite crée un mouvement, pas une vibration. Si la ligne est irrégulière, elle permet de fractionner au maximum l’effet de vibration. Toutes ces lignes tordues, mais aussi chacune d’elles séparément, ont une capacité d’expression particulière de la vibration. J’étais fasciné par l’idée de tous ces possibles. En les transmettant à travers des éléments très irréguliers, le résultat était pluraliste et, au lieu d’être répétitif, devenait une source presque infinie de particules vibratoires2. »
Avec les fils de fer, des éléments de toute nature (carcasses d’abat-jour, grillages, filets, vieux bois…) se retrouvent donc inclus dans les œuvres de Soto : des objets particulièrement présents dans les grands assemblages qu’il présente lors des expositions auxquelles il participe avec ses amis Nouveaux Réalistes.
Mais il utilise également des matériaux malléables (colle granulaire, résine, plâtre, et une variété de gypse appelée Alabastine), tous susceptibles de fournir un arrière-plan « matiériste » aux fonds striés, et d’accentuer ainsi les effets vibratoires propres à ces œuvres.
À ce titre, Hélène, 1960, est un parfait exemple de l’utilisation conjointe d’un écheveau de fils de fer et d’un fond d’Alabastine sur lequel viennent se poser les stries qui mettent en vibration les fils de fer. Des formes fantomatiques émergent de l’Alabastine, comme pour donner la réplique au graphisme tendu des fils de fer projetés vers le spectateur, dessinant un paysage complexe, fondé sur le contraste entre arrière-plan et avant-plan.
La couleur, enfin, retrouve une place éminente dans les travaux de ces années 1958-1962, soit qu’elle serve à peindre les fils de fer eux-mêmes, soit qu’elle devienne une sorte de contrepoint aux effets vibratoires dans lesquels sont entraînés fils de fer et objets.
Dans Vibración, 1959, les tracés jaunes largement brossés sur un fond brun sont retenus par Soto à la fois pour leurs qualités lumineuses et pour leur capacité à suggérer la gestualité du peintre. Ainsi opposent-ils leur rayonnement à la mêlée métallique qu’ils jouxtent.
Parfois, dans la même période, Soto utilise d’autres teintes : des blancs crayeux, ou des bleus profonds, sans doute en souvenir de Klein (quelquefois cité dans les titres d’œuvres) mais aussi dans une acception matiériste, comme s’il voulait opposer réalité matérielle et réalité optique, couleur et non-couleur, dans des reliefs où la préoccupation dominante reste les aspects multiples de la vibration.
En 1973, le critique Alfredo Boulton sera le premier à qualifier de « baroque » les œuvres de cette période, en raison de leur « vitalité »3. Comme Soto le rappellera ultérieurement, elles témoignent surtout d’une confrontation délibérée, de sa part, aux tendances les plus en vue de ces années : le Nouveau Réalisme et l’Informel4.
En 1963, malgré le succès qu’il avait rencontré lors de la présentation de ces travaux, à la galerie Iris Clert en 1959, puis chez Édouard Loeb en 1962, Soto choisira de mettre fin aux expérimentations à partir de matériaux trouvés, justifiant son choix par son besoin de procéder à une restructuration de ses œuvres évitant toute tentation anecdotique.
Jean-Paul Ameline
Notes :
1. Ariel Jiménez, Conversaciones con Jesús Soto/ Conversations with Jesús Soto, Caracas, Fundación Cisneros, 2005, p. 169. [Notre traduction].
2. « Éloge de la vibration. Interview de Jesús Rafael Soto par Daniel Abadie », Soto, cat. expo., Bruxelles, Banque Bruxelles Lambert, 1999, p. 13.
3. Alfredo Boulton, Jesús Soto, Caracas, Ernesto Armitano Editor, 1973, p. 126-127.
4. « Ce qui était important pour moi était d’amener à une situation “espace-temps” tous les courants qui m’intéressaient : le tachisme, le Nouveau Réalisme, etc. C’est pourquoi vous voyez toutes ces œuvres où j’utilise des textures évidentes et des matériaux trouvés, parce que je voulais donner à ces tendances une plus grande importance, en les mettant dans des situations « espace-temps » (Ariel Jimenez, op. cit., p. 171). [Notre traduction].
Source :
Extrait du catalogue Soto, Collection du Centre Pompidou - Musée national d'art moderne, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 2013
Bibliographie
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