Deux plans en extension
[1916 - 1919]
Deux plans en extension
[1916 - 1919]
Domaine | Dessin |
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Technique | Mine graphite sur papier quadrillé |
Dimensions | 13,5 x 11,4 cm |
Acquisition | Achat, 1975 |
N° d'inventaire | AM 1975-226 |
Informations détaillées
Artiste |
Kasimir Malévitch
(1879, Empire Russe - 1935, URSS) |
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Titre principal | Deux plans en extension |
Ancien titre | Composition suprématiste |
Date de création | [1916 - 1919] |
Domaine | Dessin |
Description | Recto-Verso. Au verso, empreinte du dessin réalisé sur la page suivante du carnet d'origine |
Technique | Mine graphite sur papier quadrillé |
Dimensions | 13,5 x 11,4 cm |
Inscriptions | Non signé, non daté |
Acquisition | Achat, 1975 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1975-226 |
Analyse
« La logique a toujours érigé des barrières aux nouveaux mouvements subconscients. Pour se libérer de ces préjugés a été créé le mouvement de l’alogisme. » Ce propos que Malevitch inscrit en 1919 pour accompagner une des premières œuvres alogiques de l’hiver 1914-1915, Vache et Violon (Nakov, f-418), dit combien cette période constitue pour lui une transition, un passage obligé pour se libérer de l’impasse cubo-futuriste et parvenir à une véritable innovation formelle : celle qui, en décembre 1915, est révélée au public lors de l’exposition « 0,10. Dernière exposition futuriste » de Petrograd, avec le Carré noir sur fond blanc. Il affirme alors franchir « le premier pas de la création pure de l’art » ouvrant la voie du suprématisme, ce « nouveau réalisme pictural » qui construit « des formes à partir de rien, formes trouvées par la Raison intuitive ».
Dessiné probablement début 1915, Alogisme (Nakov, f-467) révèle comment la dissociation d’éléments géométriques et figuratifs, sous la forme d’un diagramme onirique, prépare l’adoption d’une représentation purement abstraite. À la lumière de l’interprétation que donne Andrei Nakov du tableau alogique Un Anglais à Moscou (Nakov, f-440) – la symbolique futuriste du poisson fait référence à la mémoire, au passé et donc à l’histoire –, le dessin pourrait se lire comme le dépassement suprématiste de la figuration. Vraisemblablement quelques mois plus tard, Malevitch isole le rectangle noir dans un dessin monofigural qu’il intitule Dame (Nakov, s-179), comme si l’écran noir coupé par la barre horizontale évoquait une figure féminine aux bras tendus. Le crayonnage du dessin exécuté à main levée, comme l’atteste l’irrégularité des bordures géométriques du rectangle, s’effectue par un geste en arc de cercle : en dynamisant la forme, il donne une texture à la surface, de même que l’expressivité picturale des surfaces et des formes des toiles suprématistes éloigne toute idée de froideur « objective » et géométrique. Dame s’inscrit dans un groupe de dessins présentant des rectangles noirs verticaux masquant des figures ou des détails – L’Aspirant et Homme, violon et cuillère [1914-1915] : la forme finit ainsi par devenir autonome et s’imposer seule. La dissonance alogique ne s’exprime qu’à travers le titre, comme le laissent entendre aussi ceux d’autres œuvres suprématistes de 1915 – Réalisme pictural d’une paysanne en deux dimensions (Nakov, s-126) et Dame, de la série « Masses de couleur en quatrième et en deuxième dimension » (Nakov, s-58). Dans Le Monde non objectif, le livre didactique de Malevitch édité par le Bauhaus en 1927, est publié un dessin similaire – un rectangle noir isolé, mais sans barre horizontale – sous le titre L’Extension du carré suprématiste.
Attribués jusqu’ici au même groupe de dessins que Dame [1915-1916], les deux autres dessins suprématistes de la collection, Composition suprématiste : deux barres (ou Deux plans en extension) et Dessin suprématiste – Nakov, s-193 et s-429 –, exécutés probablement vers 1917-1918 pour le premier et 1915-1916 pour le second, manifestent les interrogations sur l’énergie immatérielle et l’immensité de l’espace qui hantent Malevitch dès 1916. Dans Composition suprématiste, les deux barres flottant dans l’espace s’approchent des compositions cosmiques et magnétiques peintes à cette période. Une même sensation d’expansion énergétique de formes volant dans un espace infini se dégage de la superposition des rectangles oblongs du Dessin suprématiste, qui est l’une des trois études pour le tableau Supremus nº 55, 1916 (Nakov, s-428), présenté en 1922 à la retentissante « Première exposition d’art russe » de la galerie Van Diemen à Berlin.
Angela Lampe
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008