Bar du port

Ce dessin est l’étude préparatoire d’un tableau peint lors du séjour de Louis Marcoussis à Banyuls-sur-Mer pendant l’été 1913 (J. Lafranchis, 1961, p. 25). Le peintre semble accorder une valeur particulière à cette toile puisqu’il la fait apparaître l’année suivante dans son portrait du marchand Alfred Flechtheim conservé à la Fundación Telefónica de Madrid. Le dessin est très proche de la peinture éponyme : marquant l’adhésion de Marcoussis aux formulations cubistes, il contient déjà tous les motifs géométriques qui constituent le cœur de cette représentation stylisée du port catalan, sans oublier les lettres en caractères d’imprimerie qui donnent à l’œuvre son titre. L’étagement vertical des figures, leur inclinaison, de même que les degrés en diagonale sur la droite, suggèrent la disposition particulière des maisons dans les ruelles pentues du village. L’exécution minutieuse témoigne d’un intérêt pour le calcul et la géométrie, deux qualités qui rattachent pleinement Marcoussis au groupe de la Section d’or (Gleizes, Archipenko, La Fresnaye, Gris, Villon et Duchamp-Villon).

Bar du port présente une synthèse originale entre le cubisme analytique du binôme Picasso-Braque et le langage, à la fois plus lisible et plus décoratif, des cubistes exposant dans les Salons parisiens à partir de 1910. C’est d’ailleurs à l’époque de ces premières manifestations collectives du cubisme que Marcoussis rencontre Apollinaire et Braque, qui le présente à Picasso. La nature morte Souvenir (1912, MNAM), un beau grand fusain rehaussé de gouache, figure également dans la collection du Cabinet d’art graphique.

Françoise Lucbert

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008