My Actress

Originaire de l’ancienne république soviétique de Géorgie, qu’il a quittée en 1995 pour la Suisse, Andro Wekua fonde son œuvre sur le déplacement, le déracinement, le changement de culture et de langue. Il construit son « mythe artistique » autour de ses propres souvenirs – ceux de Soukhoumi, sa ville natale, autrefois villégiature de la mer Noire très prisée des cadres et de l’élite du parti, et aujourd’hui zone interdite, où il ne peut retourner que dans son imaginaire. À cette évocation du passé, il mêle sa connaissance de l’ancienne Union soviétique et de l’actuelle Géorgie, et son expérience personnelle de la vie quotidienne suisse. La technique du collage qu’il emploie est certainement la plus à même de rendre compte d’une histoire lacunaire, d’une mémoire éclatée, et de répondre à sa tentative de narration, qui se révèle impossible et n’aboutit jamais.

Dans la « fiction instrumentalisée », riche en mystères, qu’il propose dans des montages juxtaposant pages de magazine et photocopies d’images qu’il dessine et colorie, les dotant ainsi d’une vie factice, sont confrontés des lieux non identifiés, des rues sans nom, des personnages aux visages parfois raturés, voire effacés, perdus dans des espaces devenus minables, dévastés, quelquefois inquiétants. Wekua privilégie les couleurs sombres et saturées, évocatrices d’un romantisme noir, qui va de pair avec la mélancolie exacerbée émanant des stéréotypes d’une imagerie kitsch. Les structures narratives de ses collages, qui restent ouvertes, servent essentiellement à suggérer un récit qui ne sera jamais raconté.

Dépassant le propos autobiographique, Andro Wekua multiplie, dans ses collages comme dans ses sculptures, les interrogations, et questionne en particulier la psychologie des individus.

Jonas Storsve

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008