Au Studio 13/16, soirée clubbing et inclusion
Des corps s’animent. Au sol d’abord, puis debout. Suivant les consignes d’un danseur, des mains se lient un instant ; là un adolescent enlève son sweat (il fait chaud), ici une danseuse tourne sur elle-même, mains levées. Ailleurs, on hoche la tête, les yeux clos, comme en transe. La musique électro est envoûtante, les corps se rencontrent, le lieu est baigné d’une lumière tamisée, bleue ou rouge selon le rythme, chaque nuance suscitant un pas particulier. Le temps d’un atelier, une après-midi, le Studio 13/16 du Centre Pompidou prend des airs de boîte de nuit berlinoise. Et on s’y croirait !
Adam, Éloise, Houssam, Pamela, Moussa, et les autres… Au premier regard, une bande de jeunes de tous horizons venue s’enjailler. Certains sont en situation de handicap, qu’il s’agisse de troubles cognitifs ou moteurs, d’autres non. Deux danseurs professionnels, Fernando Cabral et Gaëtan Brun Picard, de la compagnie Shonen fondée par le chorégraphe Éric Minh Cuong Castaing, encadrent cette joyeuse troupe.
Éric a voulu importer en France le côté très inclusif du clubbing berlinois suite à un séjour en Allemagne. Il célèbre la mixité des corps et leur rencontre intense au cours d’une danse. Il y a un côté très body positive.
Gaëtan Brun Picard
Ce qui est proposé lors de ces ateliers de danse ? Rien moins que la déclinaison pour le Centre Pompidou de la pièce SousInfluence, initiée en 2017 à Marseille, sur le toit-terrasse de la friche Belle-de-mai, et qui n’a cessé, depuis lors, de voyager et de s’adapter à différents contextes, différents publics. « Éric a voulu importer en France le côté très inclusif du clubbing berlinois suite à un séjour en Allemagne, raconte Gaëtan. Il célèbre la mixité des corps et leur rencontre intense au cours d’une danse. Il y a un côté très body positive. »
À chaque corps, ses propres forces, ses propres vulnérabilités, pour peu qu’il se laisse entraîner par les vibrations puissantes de la musique. Pas besoin de prérequis pour en être ; Fernando et Gaëtan sont des vecteurs énergétiques. Alors que le premier va de l’un·e à l’autre pour un duo, le second donne des indications spatiales pour orienter la séance ; « Baissez-vous de plus en plus, le corps devient liquide, laissez-vous couler au sol. » C’est aussi lui qui indique à Laura Samoilovich, la cheffe de projet, à quel moment augmenter le volume ou changer la lumière selon un code couleur précis.
Légèrement en retrait, elle veille à ce que personne ne manque de rien. Aux côtés des autres adultes, personnels éducatifs, elle est la garante de cette safe place, la portière de ce club hyper inclusif. Gaëtan résume : « La question du handicap n'est pas un frein, bien au contraire. » En effet, l’approche choisie par la compagnie consiste à s’adapter aux capacités de chacun, de chacune, quel que soit son niveau d’autonomie. À chaque activation, c’est un « espace de nouvelles normalités » qui se crée, pour Éric. Le 18 mai, jour de la présentation aux publics de la performance préparée pendant les ateliers, une quarantaine de danseurs, de danseuses complices se mêlera aux quelques professionnels et aux nombreuses personnes anonymes, de tout corps et de tout âge, gagnées par cette épidémie de danse, sur les airs du duo Yes Sœur, entre musique expérimentale, pop et clubbing. Un beau moyen de créer de nouveaux liens aux autres. Alors, en piste ! ◼