Symphonie III

Parole de Brice Pauset

« Ma Troisième Symphonie est une tentative d'interprétation du Livre de Mallarmé. Je travaille dans cette œuvre deux types d'espaces, l'espace des instrumentistes répartis en cinq groupes et les espaces ou plutôt les lieux à travers lesquels résonnent ce qu'ils jouent, et ces lieux sont aussi bien les haut-parleurs que la salle de concert. On a des lieux fixes, les cinq groupes instrumentaux qui entourent le public et les lieux propres à une certaine catégorie de haut-parleurs, ceux que j'utilise comme de véritables instruments et qui sont comme des points dans l'espace. Ils forment une sorte de lexique qui se manifeste par une grammaire. On a enfin un espace plus métaphorisé, celui formé par une autre catégorie de haut-parleurs qui sont utilisés comme des sources virtuelles afin de produire un espace abstrait composé de points imaginaires. Le dispositif électronique proprement dit consiste en une transformation du son qui affecte les durées, les hauteurs et les lieux. Je peux avec ce dispositif organiser la coïncidence des différents lieux, mais aussi leur décalage voire leur annulation.

Je pense que l'informatique qui aide à composer et l'informatique qui se fait entendre en concert doivent cohabiter intimement. Le travail de paramétrage de la spatialisation des sons, qui fait à mon sens partie intégrante du processus de composition, tente de résorber le creux qu'il y a entre ces deux moments. C'est une partie importante de mon travail de recherche à l'Ircam. L'Ircam propose aux compositeurs de réaliser des projets et je pense qu'en retour les compositeurs doivent faire en sorte que ce qui a été dégagé dans leur processus de travail fasse l'objet d'une mise en forme publique. C'est à cette condition que les outils pourront évoluer. Ce que je veux entendre, c'est une mise en crise et cela peut se réaliser sans électronique audible. C'est ce que je fais tous les jours avec la technologie d'aide à la composition, une mise en crise des catégories traditionnelles de la musique comme les hauteurs, les durées... Je me sers des moyens technologiques pour mettre en crise ces problèmes constants dans l'histoire de la musique que sont la forme, l'harmonie. Que se passe-t-il quand on désaxe le faisceau des catégories traditionnelles ? Qu'est-ce qui résiste et qu'est-ce qui ne résiste pas ? La composition pour moi, c'est organiser une crise. »