Josef Nadj chorégraphe

Woyzeck, 1998, 62'

Réalisation : Janos Kende

Chorégraphie : Josef Nadj

Ils ont des visages peints, des corps déformés, des gestes mécanisés. On les dirait momentanément ressuscités d'entre les morts ou sur le bord de trépasser. Il sont poussiéreux, couverts de terre, parfois manipulés comme une pâte que l'on sculpte. Ce sont les sept interprètes du Woyzeck de Josef Nadj, magistrale pièce du chorégraphe hongrois, créée en 1996 à la suite d'une première performance réalisée quatre ans auparavant à Paris dans la galerie Dorfmann.

Josef Nadj a condensé le mystère du Woyzeck de Büchner, sa vision et son tourment dans les corps et les matières : bois, eau, terre, poussière, masques et bandages ou vêtements en guenilles. Il met en boîte ou en bière ce magnifique territoire littéraire où se pratiquent le désespoir et le meurtre.

Emprunt de sarcasmes et d'humour, ce magistral précis de décomposition est mené avec un véritable talent d'orfèvre. De la même façon, l'extrême rigueur de cadrage, la façon dont la caméra suit ou détaille chaque séquence du spectacle montre comment il est possible de raconter la terreur, de la retourner en clé poétique. Remarquablement filmée, cette captation s'attache aux rapports de volume et de surface, aux lumières des ocres et des bruns rougeoyants de la scénographie et fait apparaître la profonde qualité plastique du travail de Josef Nadj au-delà de l'étonnante maîtrise du théâtre des corps dont témoignent ses nombreuses pièces.

Irène Filiberti