Niki de Saint-Phalle

Cette rétrospective consacrée à Niki de Saint-Phalle passe en revue ses premiers tableaux, puis ses tableaux-tirs de 1961, ses assemblages de 62, ses grandes figures frontales qui se transforment en "Nanas" tridimensionnelles en 65-66, ainsi que des sculptures plus récentes.

L’œuvre d’un artiste est recherche d’identité, espoir de traces moins fugaces que la vie elle-même. Celle de Niki de Saint-Phalle rassemble les extrêmes d’une catharsis réaliste et poétique, contre de fées et cauchemar, où la mort et la joie sont partout présentes. Lorsque Niki de Saint-Phalle crée, elle détruit. Elle prend une carabine et tire sur des tableaux, des fantasmes. Elle écrit à sa manière qu’on l’a internée, qu’elle ne veut pas devenir folle, qu’il vaut mieux tirer sur des autels et des tableaux que se suicider ou juger. Le blasphème est rose et noir sur fond onirique de souvenirs. Le commentaire visuel est juste, acide et dur, à propos de la famille, la société, les traditions, l’actualité.

L’œuvre est peu verbale, mais visuelle et multiple : sculptures, théâtre, films, dessins. Diverse, elle existe sur plusieurs plans, et à des échelles différentes de vision et de pensée. Il s’agit du long périple de la vie d’une femme et qui appartient, avec ses fulgurances, et ses doutes, à la deuxième partie du vingtième siècle.

Femme fragile et raffinée, Niki de Saint-Phalle donne à voir des monuments ou des monstres dévorants. Raison et folie, agressivité et sympathie, grandeur et petitesse, Niki de Saint-Phalle est une Alice au pays de la dévoration et de la démesure.

D’après Jean-Yves Mock, Le Bulletin, n°19, juillet-août 1980