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Leopold Banchini, Laure Jaffuel, "3-8", 2018 - vue par Manuel Braun

« 3-8 », le futur de la vie de bureau ?

À la fois œuvre de design située au cœur des collections contemporaines et espace d’apprentissage pour l'École pro, 3-8 joue avec les codes du monde du travail pour mieux les subvertir. Explications en compagnie de son créateur, l'architecte Leopold Banchini.

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C'est une installation unique, cachée au cœur des collections, niveau 4. Conçue en collaboration avec la designeuse Laure Jaffuel en 2018, cette commande du Centre Pompidou à l'artiste-architecte Leopold Banchini, baptisée 3-8, est l'écrin privilégié dans lequel se déroulent les workshops de l’École pro. Espace entièrement modulaire (sept panneaux mobiles dissimulent ainsi bureaux, écrans et même une cuisine), 3-8 offre des possibilités infinies de transformation, s'adaptant aux offres sur-mesure de l’École pro, dont le projet est d'interconnecter les mondes de l'art et de l'entreprise. Ici, Leopold Banchini s'inspire avec ironie de la théorie du « clean desk », mantra d'entreprise qui enjoint les salariés à ranger leur bureau pour plus de productivité. Et rend hommage aux architectes Richard Rogers et Renzo Piano, qui ont pensé le Centre Pompidou comme un espace libre d'où surgit la création. Le cabinet Leopold Banchini Architects a reçu, entre autres, le Lion d’Or à la biennale d’architecture de Venise (avec Harry Gugguer).

 

 

Le Centre Pompidou est connu pour son architecture emblématique. Comment cette salle s’y inscrit-elle ?
Leopold Banchini — Le projet de Richard Rogers et Renzo Piano, primé en 1971, s’inscrivait dans une mouvance d’architecture expérimentale, portée par l’élan des années 1960. Aujourd’hui encore, les plateaux libres du Centre rayonnent d’une énergie révolutionnaire. Le projet 3-8 évoque cette architecture-là, radicale et utopique. Il fait aussi référence aux Supersurfaces de Superstudio, présentées au MoMA en 1972, et les confronte avec dérision aux espaces de travail « clean desk » du néolibéralisme.

 

L’architecture questionne notre mode de vie. Elle est ainsi forcément politique et doit se positionner dans l’utopie.

Leopold Banchini


Les considérations politiques et environnementales sont au cœur de votre pratique. En quoi ce projet est-il la continuité de vos recherches ? 
LB — L’architecture questionne notre mode de vie, remet en cause nos habitudes. Elle est ainsi forcément politique et doit se positionner, aujourd’hui encore, dans l’utopie. Le projet 3-8 subvertit l’espace « professionnel » du bureau et son économie minutée. Il convoque objets et matériaux produits par cette industrie, pour mieux les émanciper de leur fonction.


3-8 est à la fois une œuvre au sein de la collection design du Centre Pompidou et un espace d’apprentissage. Comment s’articulent ces deux aspects ? 
LB — L’espace 3-8 a vocation à accueillir une multitude de fonctions. Catalyseur, il génère des situations probables et improbables, juxtapose domesticité et espace commun. Il n’existe qu’au moment où le public se l’approprie et construit son propre scénario. Il restera donc toujours praticable. ◼