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Chez Armand Jalut, la dualité à l'œuvre

La toile Key Message d'Armand Jalut vient d'entrer dans la collection du Musée national d'art moderne. Elle est exposée dans le cadre de l'accrochage « Présence » jusqu'au 13 mai. Rencontre avec l'artiste, qui a passé une année en résidence chez Tilder, partenaire fondateur du fonds de dotation Accélérations.

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Armand Jalut (né en 1976) a fait ses études aux Beaux-Arts de Lyon, d'où il sort diplômé en 2004. Ironie de la vie, celui qui a exercé son premier job en tant que libraire au cœur même du Centre Pompidou y est désormais exposé : « La peinture, ce n'était pas forcément mon médium de prédilection », confie l'artiste qui s’est d’abord consacré à la photographie et à la vidéo, en plein virage numérique – « c’est ce qu’on voyait dans les expos à l’époque, à Paris. Lorsque j'étais étudiant, j’y allais deux fois, trois fois par an ». Il ne se mettra à la peinture qu'une fois son diplôme en poche. Rapidement séduit par le prisme déformant du médium et par ce qu’il perçoit comme une pratique non linéaire, avec son lot de difficultés et de doutes, Armand Jalut éprouve une grande part de satisfaction à mesure de sa progression. Deux ans plus tard, il rencontre Michel Rein. Une page se tourne lorsqu'il lui propose sa première exposition personnelle, en 2006.

Tout son travail prend pour point de départ une recherche d’images qu’il classe et collectionne. On y trouve le plus souvent des échos formels, des jeux de texture, de couleurs, de motifs et d’abstractions qui rappellent l’univers du textile, de la mode. Ses critères de sélection ? « Des considérations qui sont presque d’ordre du plaisir visuel, quelque chose de très rétinien, qui finit par constituer une base de données à partir de laquelle je peux associer, ajouter, enlever, créer une sorte de conjonction, de frottement, de confrontation. »

 

Quelque chose de très rétinien, qui finit par constituer une base de données à partir de laquelle je peux associer, ajouter, enlever, créer une sorte de conjonction, de frottement, de confrontation.

Armand Jalut

 

Ces images, glanées le plus souvent sur Internet, notamment sur des sites de vente, sont ensuite combinées. Ici, des vêtements et des fleurs qui, pour Michel Gauthier, commissaire de l’exposition, font de l’artiste « un héritier de la Pictures Generation, ce mouvement apparu au milieu des années 1970 qui prit acte de l’impossibilité d’un rapport immédiat au réel ». Parmi ses plus célèbres représentants on compte Richard Prince ou Cindy Sherman, qui reproduisent ou singent l’iconographie publicitaire sur écran ou sur papier glacé.

Découvrez l'intégralité du texte de Michel Gauthier, commissaire de l'exposition, dans le catalogue de l'exposition !

 

 

35 € | 33,25 € adhérent·e

L’œuvre d’Armand Jalut exposée au Centre Pompidou, Key Message, réalisée dans le cadre de sa résidence chez Tilder, s’inscrit dans la lignée d’une série présentée en 2022 à la galerie Michel Rein. Elle emprunte à la fois à la tradition moderne du montage et à celle, millénaire, de la nature morte. On y voit des pantalons, des blousons, toute une iconographie puisée sur des sites de revente de mode, qui entrent en confrontation avec des motifs plus organiques, plus végétaux ; « une dualité qui intervient sur chaque tableau, une manière de travailler une sorte de figuration, une évocation du corps par des habits hantés par le vide. » Michel Gauthier résume ainsi l'art de Jalut : « Key Message fait signe au culte pop de l'image autant qu'à l'exhibition toute moderniste de la touche de pinceau ; en d'autres termes, à Andy Warhol et à Édouard Manet. »

 

Key Message fait signe au culte pop de l'image autant qu'à l'exhibition toute moderniste de la touche de pinceau ; en d'autres termes, à Andy Warhol et à Édouard Manet.

Michel Gauthier, commissaire de l'exposition

 

Ce que montrent ces toiles aux couleurs vives, faisant fi de tout rapport d’échelle, c’est la marchandisation du vêtement de seconde main, qui vient nourrir la réflexion esthétique de l’artiste. Tout comme le langage ; le titre est d’ailleurs le fruit d’un travail que l’artiste a mené avec les collaborateurs et les collaboratrices de l’entreprise. L’occasion de découvrir pour l’un le langage spécifique d’un cabinet de conseil en communication, pour les autres le temps long d’une pratique artistique. Le tableau devient un Key Message, un message clef. Comme pour réaffirmer que l'art n'est j'amais superflu. ◼

Fonds de dotation Centre Pompidou Accélérations, l'art contemporain au cœur du monde de l'entreprise

Tilder est membre fondateur du fonds de dotation Centre Pompidou Accélérations. Depuis 1990, les équipes du cabinet soutiennent de nombreuses initiatives créatrices de sens, de mieux vivre et de dialogues uniques au sein des sociétés civiles et des communautés artistiques.

 

Ces initiatives sont à la fois sources de fierté, repérage de signaux faibles et confrontations à des analyses et des points de vue décalés. Le Centre Pompidou Accélérations, dans ce cadre, est une expérience humaine et artistique totalement inédite entre l’univers de la création artistique contemporaine et le monde de l’entreprise. Elle permet aux entreprises, dans l’esprit qui animait le président Georges Pompidou, « de mieux appréhender le futur en dialoguant vraiment avec la création artistique contemporaine ».

 

« Chaque résidence d’artiste en entreprise est une "suspension du temps" qui se traduit par un incroyable dialogue sur un thème unique entre les collaborateurs d’une entreprise et un artiste, par la création d’œuvres qui entreront dans la collection du Musée national d’art moderne, mais surtout par des "moment d’humanité partagée" qui resteront gravées à jamais dans le musée intime de toutes celles et tous ceux qui l’auront vécu. »

 

Matthias Leridon

Président de Tilder