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« D’Alchimia à Memphis », une odyssée du design italien

Fondés à Milan, les studios Alchimia (1976) puis Memphis (1981) ont tour à tour bouleversé l'histoire du design contemporain. Réunissant pour la première fois un ensemble unique de pièces historiques qui sont, pour la plupart, de nouvelles acquisitions (objets, dessins, photographies, documents d’archives), le nouvel accrochage* « D’Alchimia à Memphis » raconte, jusqu'en décembre 2023, la mutation qui s’est opérée dans le langage du design italien au tournant des années 1970 et 1980. Présentation.

± 5 min

En Italie, un changement radical s’est opéré dans le design dès 1976 avec le studio Alchimia, cofondé par Alessandro Guerriero et Alessandro Mendini. Alchimia, avec Alessandro Mendini, met en avant la notion d’ « objet banal », l’artisanat et la production en série limitée. L’iconique canapé Kandissi (1979) d’Alessandro Mendini remet en question la quête moderniste d’unité formelle et fait fusionner les registres de l’art et du design. En 1979, Martine Bedin présente une installation à la 16e Triennale de Milan. Sa chaise, aux références archaïques mais aux matériaux modernes (métal, plexiglass, néons), se donne comme un objet critique, dans le sillage des architectes designers radicaux.

Fondé en 1981 et théorisé par Barbara Radice, le mouvement Memphis, rassemble, aux côtés d’Ettore Sottsass, de jeunes architectes et designers de générations différentes, tels Michele de Lucchi, George Sowden, Aldo Cibic, Nathalie du Pasquier, Martine Bedin, Matteo Thun et à l’international, Shiro Kuramata, Hans Hollein, Peter Shire, etc. À travers des formes géométriques asymétriques, des couleurs vives et des matériaux nouveaux, tel le stratifié, Memphis s’inscrit dans le sillage du pop, tout en affichant une critique du fonctionnalisme et du modernisme.

 

À travers des formes géométriques asymétriques, des couleurs vives et des matériaux nouveaux, tel le stratifié, Memphis s’inscrit dans le sillage du pop, tout en affichant une critique du fonctionnalisme et du modernisme.

 

Memphis inaugure une nouvelle forme de narrativité des objets, entre expressivité et sensorialité, dans une approche globale, « émotionnelle » et non plus rationnelle. Le designer s’impose comme prescripteur face à l’industrie. L’approche iconoclaste et ludique de Memphis puise également dans une multiplicité de références culturelles qui ouvrent sur une hybridation des formes. Memphis est à ce titre peut-être l’un des premiers mouvements artistiques issus de la mondialisation, puisant dans les autres cultures, engagé dans une nouvelle ère de la connectivité et de l’objet comme communication. À rebours cependant de la postmodernité naissante, au début des années 1980, Memphis préfère le présent au passé, les nouvelles technologies à l’artisanat.

Le point commun à Alchimia et Memphis serait une même aspiration à la « transformation culturelle de l’environnement » à travers le design. Dans ce contexte, Memphis mettra en avant le renouveau du décoratif, comme en témoignent les recherches autour de la notion de « surface décorée » de George Sowden et Nathalie Du Pasquier, qui déploient une nouvelle identité décorative de l’objet. Leur dessin-manifeste « Proposition pour une petite ville » (1981-1982), fresque de trois mètres sur deux et présenté pour la première fois, est la transposition architecturale de leurs recherches décoratives, théâtre urbain où les objets sont autant de signes. 

 

Le groupe Memphis innova également en prenant en charge ses propres stratégies de communication visuelle. En témoignent l’importance du graphisme et des outils de communication que le groupe développe de manière autonome: catalogues de vente au graphisme expérimental, affiches, cartons d’invitations, papier en-tête « Memphis ». Enfin, la salle consacrée à Memphis présente le fonctionnement interne du groupe en montrant des photographies personnelles d’Ettore Sottsass, issues des archives de la Bibliothèque Kandinsky, documentant les retrouvailles informelles, comme les séminaires de recherche (Côme, Milan) et les voyages collectifs et fondateurs du groupe. ◼