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Portrait de Jean-Charles de Castelbajac par Manuel Braun

Le Centre Pompidou &... Jean-Charles de Castelbajac

Créateur de mode aux milles facettes et plasticien, Jean-Charles de Castelbajac a conçu cette rentrée pour l'Atelier des enfants une toute nouvelle exposition-atelier baptisée « Le Peuple de demain ». Il revisite, de sa palette chromatique pop, les thèmes des drapeaux et des totems, comme autant de symboles du langage universel. Inspiré et infatigable, celui qui est aujourd'hui le directeur artistique de Benetton raconte sa passion pour le Centre Pompidou, un lieu qui a tout d'une épiphanie personnelle.

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Créateur touche-à-tout, Jean-Charles de Castelbajac se plaît, depuis près de quarante ans, à déconstruire la mode et à en explorer les possibles. Pour lui, « être artiste, c'est montrer le chemin ». Érudit enthousiaste, humaniste passionné, cet éternel jeune homme présente en cette rentrée une toute nouvelle exposition-atelier, intitulée « Le Peuple de demain ». L'idée ? Permettre aux enfants, à partir de 4 ans, de découvrir et expérimenter l'univers artistique chromatique plein de fantaisie de l'artiste. Jean-Charles de Castelbajac : « cet espace de la Galerie est magique, il ressemble à une plateforme, une sorte de porte-avions… Avec cette exposition, j’installe des totems, des cariatides, des drapeaux, pour constituer un temple universaliste d’emblèmes et de symboles comme un nouveau langage. C’est une histoire de renouveau : comment se réancrer dans la vie. C’est un écho aux premières pulsations du Centre ». Rencontre avec un infatigable poète des couleurs.

« J’ai un lien très fort avec le Centre Pompidou, qui a ouvert en 1977, parce que justement cette année 1977 est charnière pour moi… C’est l’année de la sortie de l’album Never Mind the Bollocks, des Sex Pistols, et c’est aussi celle de la cristallisation de mon style, dans sa protéiformité – avec ces couleurs primaires, cette idée d’accumulation, de détournement de matière, ce refus du cloisonnement, etc. Pour ma première visite, en 1979, j’étais avec mon ami Malcolm McLaren, le manager des Sex Pistols, nous voulions voir l’exposition “Dalí“. Je me souviens que c’était une véritable boîte de Pandore, avec des saucissons et même une voiture qui pendaient du plafond ! Le Centre Pompidou, à l’époque, c’était un objet non identifié, une sorte de vaisseau “spécial”. On assistait à la naissance de quelque chose de très fort architecturalement parlant, une vraie cathédrale iconoclaste. Je me suis retrouvé dans cette structure et ces tubulures de couleurs, ces sortes de “conduits de l’imaginaire”, c’était d’un très grand réconfort pour moi, cela a même renforcé ma dimension téméraire. Que naisse cette cathédrale de l’audace, c’était formidable ! C’était le château fort de notre génération, notre refuge. Le Centre, c’est un cœur battant, un espace total de liberté. Un Versailles du futur !

 

Le Centre Pompidou, à l’époque, c’était un objet non identifié, une sorte de vaisseau « spécial ». [...] Que naisse cette cathédrale de l’audace, c’était formidable ! C’était le château fort de notre génération, notre refuge. Le Centre, c’est un cœur battant, un espace total de liberté. Un Versailles du futur !

Jean-Charles de Castelbajac

 

Le Centre Pompidou, j’y suis venu toute ma vie de Parisien, comme une respiration naturelle. Ici, le visiteur fait partie intégrante de l’œuvre, il y a quelque chose de baudelairien, on y “flâne de profession”. J’y ai fait une découverte incroyable : dans la collection, il y a une œuvre admirable, la Tête mécanique de Raoul Hausmann… Raoul est un artiste dada que j’avais rencontré lorsque j’étais adolescent, à Limoges (l’artiste autrichien s’y était installé en 1944, jusqu’à sa mort en 1971, ndlr). La voir, c’était un peu comme retrouver mon adolescence.

 

 

J’ai sinon été très marqué par Made in Japan, La Grande Odalisque, de Martial Raysse (1964, ndlr). J’ai été impressionné par cette idée de se saisir d’une image presque sacrée (la Grande Odalisque, d’Ingres, ndlr), et de la reproposer. Cette idée d’appropriation et de détournement est très présente dans mes créations. J’ai été aspiré et inspiré par les portes que ce tableau ouvrait dans mon inconscient… Il y aussi le New York City, de Mondrian, qui m’a interpellé par sa force rythmique, presque musicale, ses couleurs primaires – encore ! Je trouve que cette œuvre a une force totalement contemporaine. J’aime particulièrement le département cinéma. Lorsque j’enseignais en Autriche, j’avais rencontré le cinéaste Peter Kubelka, un grand théoricien, qui a notamment contribué à la cinémathèque du Centre Pompidou. Le Centre Pompidou c’est aussi Christo, Christian Boltanski, David Hockney, César et le roi Matisse, un éblouissement et un voyage intérieur à chaque visite d’exposition. ◼

 

Le Centre Pompidou, j’y suis venu toute ma vie de Parisien, comme une respiration naturelle. Ici, le visiteur fait partie intégrante de l’œuvre, il y a quelque chose de baudelairien, on y « flâne de profession ».

Jean-Charles de Castelbajac