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Figure

automne 1928

Pablo Picasso

En 1927, la Société des Amis d’Apollinaire, à l’approche du 10e anniversaire de la mort du poète, sollicite Picasso pour la création d’un monument funéraire au cimetière du Père-Lachaise.


Ses premières propositions inspirées du Baiser de Brancusi (1940), un couple enlacé en un bloc de pierre installé en 1910 sur une tombe du cimetière de Montparnasse, sont jugées pornographiques et refusées.

 

Picasso se lance alors dans une voie proche des recherches constructivistes comme le projet de Monument à la Troisième Internationale de Tatline (1919). Il fait exécuter par son compatriote catalan, spécialiste de la ferronnerie, Julio González, deux maquettes de fil de fer d’après ses propres dessins. Picasso propose ainsi d’inscrire le dessin dans l’espace, en procédant par transposition et agrandissement, technique qui convient parfaitement à sa nouvelle source d’inspiration.

 

Recentrant son travail sur l’œuvre d’Apollinaire, il s’appuie sur un passage du Poète assassiné (1916), texte en prose retraçant la vie de Croniamantal, poète fictif et archétypal trucidé par la foule. Au chapitre XVIII, un monument doit être édifié à sa mémoire, et se pose la question du projet : « Une statue en quoi ? […] En marbre ? En bronze ? Non, c’est trop vieux […] il faut que je lui sculpte une profonde statue en rien, comme la poésie et comme la gloire. […] Une statue en rien, en vide, c’est magnifique, et quand la sculpterez-vous ? »

En réalisant sa Figure en 1928, Picasso interprète ce passage comme une volonté explicite d’Apollinaire. Il donne vie à ce monument antimatérialiste imaginé par le poète et amorce une pratique sculpturale à laquelle il reviendra souvent au cours de sa vie, en alternance avec le modelage, la sculpture en fer, que développeront à leur tour d’autres artistes comme Julio González ou Alexander Calder.