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Because Beaubourg : retour en images sur deux jours et deux nuits d’une fête historique

On n’avait jamais vu ça : les 24 et 25 octobre derniers, le Centre Pompidou célébrait la fermeture de son iconique bâtiment avec une fête grandiose, organisée avec le label Because Music. Une programmation exceptionnelle et son lot de surprises, dont Thomas Bangalter, ex Daft Punk, aux platines, qui a fait vibrer les huit niveaux du bâtiment et a attiré près de quarante mille personnes. La plus grande célébration jamais organisée à Beaubourg, déjà culte. Récit.

Vendredi 24 octobre, au matin. Il n’est pas encore 11 heures et une longue file d’attente serpente sur la Piazza, en proie à l'impatience, avant l’ouverture du bâtiment, sous un ciel lumineux d’automne. Les équipes du Centre Pompidou et de Because Music sont frénétiques ; on ajuste, on affine, on règle les ultimes points de détails, et on court tous azimuts, dans la tenue noire du « crew ».

 

Entièrement gratuite en journée, la programmation est pensée pour tous les publics. Les enfants et les familles peuvent profiter des ateliers du niveau 3 en savourant cakes au chocolat et boissons chaudes ou fraîches. Des visites architecturales pour tous les âges sont organisées également, rassemblant de nombreux·ses passionné·es ; une riche programmation de cinéma, de conférences, de débats et de performances est aussi proposée.

 

Le public emplit le bâtiment jusqu’à ses moindres recoins ; toustes veulent vivre un dernier instant à Beaubourg.

 

Au niveau 2, où se tenait voilà peu l’exposition consacrée à l’artiste allemand Wolfgang Tillmans, deux expériences immersives. L’une signée du duo électro Justice et spécialement conçue pour l’occasion (IRIS AUGMENTED) ; l’autre de Thomas Bangalter, par ailleurs moitié de Daft Punk (Camera/Man). Pour aller de l’une à l’autre, un long corridor traversant un plateau de six mille mètres carrés. Là, une table, ici quelques livres oubliés sur un rayon — une moquette élimée par les allées et venues de nombreux·ses lecteur·trices de l’ancienne Bibliothèque du Centre Pompidou.

Au niveau 4, débarrassé de ses œuvres dont une partie est évoquée à la manière de fantômes, une autre série d’installations attend le public. La plupart sont participatives, qu’il s’agisse de découvrir des œuvres emblématiques de l’artiste Jonathan Yeo grâce à des lunettes de réalité augmentée, ou de personnaliser des t-shirts dans l’espace autrefois dédié à l’œuvre Plight de l’artiste allemand Joseph Beuys. L’artiste Shygirl propose, elle, un environnement multisensoriel explorant les thèmes centraux de son disque Alias, quand la rappeuse Shay présente le Jolie Garce Club, qui retrace son parcours et ce qui a façonné son identité artistique. Plus loin, un corner France Culture voit se succéder les artistes de la programmation ; Sébastien Tellier, Pedro Winter…

 

Beaubourg n’offrira pas, à des regards qui ne leur rendent nulle vie, des collections muettes d’objets pétrifiés dans la mort. Beaubourg sera un lieu vivant, un lieu de recherche et de confrontation créatrice, comme le fut le premier musée dont l’histoire se souvienne, celui d’Alexandrie.

Extrait d'un discours de Jacques Chirac, alors Premier ministre (décembre 1974), repris par Thomas Bangalter

 

Plus haut, au niveau 6, sur le toit de Paris, d’où l’on aperçoit la butte Montmartre, les plus téméraires se laissent aller à quelques tours de piste sur des rollers, sous une boule à facettes géante, au rythme de DJ sets survoltés ; Breakbot & Irfane, Jérémy Chatelain, Marine Neuilly… — on y croisera même le barbu Sébastien Tellier, venu en curieux avant son showcase. Des pros du quatre roues alternent caracoles et acrobaties sous les yeux d’un public enthousiaste et ravi. De l’autre côté, dans l’ancien restaurant Georges désormais vide, face à la tour Saint-Jacques, se succèdent sur scène les artistes Midas the Jagaban, Maureen, Klyne…

Le public emplit le bâtiment jusqu’à ses moindres recoins ; toustes veulent vivre un dernier instant à Beaubourg. Les plus nostalgiques versent une larme, des voix vacillent sous le coup de l'émotion. On boit un verre ou mange un morceau à l’un des nombreux stands, on s’attarde sur la lumière rasante et la vue sur Paris, on discute de tout, de rien, chacun·e évoque son lien personnel avec le lieu, tandis que dans les anciennes Galeries 3 et 4, au niveau 1, réunies pour l’occasion, se produisent des artistes de tous les horizons ; Catherine Ringer, Christine and the Queens, Keziah Jones… mais aussi Aya Nakamura faisant une apparition surprise auprès de son protégé RnBoi face à un public d’adolescent·es déchaîné·es, reprenant à l’unisson les tubes de leur idole. Qu’un influenceur connu passe incidemment, et c’est la ruée — on lui court après, on veut un selfie, un TikTok. Fausse alerte, c’était un·e autre, qu’on aura confondu·e. Aussitôt voici la foule repartie dans l’autre sens, en direction du Forum, toujours en délire.

 

Les noctambules poussent la fête jusqu’aux premières heures du jour, dans une ambiance de ferveur et de communion rares.

 

C’est là le cœur battant de la fête, sous l’œil de Georges Pompidou dont le visage en anamorphose réalisé par l’artiste Victor Vasarely est suspendu au plafond. Alors que chaque soir les niveaux supérieurs ferment au public, on y redescend comme suivant une invisible boussole. Tous les corps, les regards sont tournés vers la Galerie des enfants, là où est installée la cabine des DJs. Le DEEWEE Club Night ambiance la nuit de vendredi à samedi tandis que la nuit de samedi à dimanche est 100 % Ed Banger Records, avec notamment Pedro Winter aux platines ou l’électrisante Mayou Picchu.

À 3 heures du matin, l’excitation est à son comble. Une rumeur dans la foule annonce une énorme surprise. Apparaît alors, aux côtés des DJs Fred Again (qui n'était pas attendu), Erol Alkan et Busy P, un certain… Thomas Bangalter (sans son casque de Daft Punk). Hystérie collective, des larmes, de la joie, des hurlements. Plus de dix-huit ans après le dernier concert du duo électro (c’était pour la tournée Alive en 2007), Bangalter s’installe aux platines pour un set incendiaire, qu’il démarre avec un sample du discours de Jacques Chirac à l’Assemblée nationale en décembre 1974, défendant le Centre Pompidou à venir. S’enchaînent alors certains des plus gros hits de Daft Punk (« Contact », « Rollin & Scratchin », « Digital Love »), et aussi des tracks de The Chemical Brothers ou du regretté DJ Mehdi. L’ambiance a tout d’une messe électro.

 

Car plus que tout, c'est bien le bâtiment iconique qui était célébré.

 

Les noctambules poussent la fête jusqu’aux premières heures du jour, dans une ambiance de ferveur et de communion rares. Toustes en sont dorénavant convaincu·es : cette dernière soirée Because Beaubourg fait partie des moments dont on sait qu’ils resteront dans la mémoire des chanceux·ses qui y étaient et qu’ils marqueront l’histoire d’un lieu. Car plus que tout, c'est bien le bâtiment iconique qui était célébré pendant ces deux jours. ◼