Jonás Trueba

Accompagné depuis ses débuts par les mêmes collaborateur·ices derrière et devant la caméra – les actrices et acteurs Itsaso Arana, Francesco Carril, Vito Sanz, Isabelle Stoffel, Mikele Urroz, Aura Garrido, Candela Recio, Pablo Hoyos – Jonás Trueba a créé sa propre société de production, Los ilusos Films, qui met au cœur de son processus le collectif, une économie légère et peu dépendante de l’industrie, mêlée à une réflexion à chaque étape de fabrication jusqu’à la distribution en salle. 

Jonás Trueba réalise pour l’occasion un court métrage commandé par le Centre Pompidou pour la collection « Où en êtes-vous ? », initiée en 2014 et qui compte à ce jour une vingtaine de films des cinéastes mis à l’honneur par l’institution depuis. Une nouvelle version de son deuxième long métrage Los ilusos est également montrée pour la première fois. Le cinéaste donne une masterclasse et est présent pour accompagner les séances, avec à ses côtés un grand nombre de collaborateur·ices : Javier Lafuente, producteur, Laura Renau, costumière, Santiago Racaj, chef-opérateur, Marta Velasco, monteuse, Miguel Ángel Rebollo, directeur artistique. Un dialogue entre le cinéaste et ses pairs français, Sophie Letourneur et Guillaume Brac, aborde une question au cœur de son travail : celle de la production et de l’échelle formelle et économique que chaque film appelle. Et enfin, pour l’occasion, l’actrice Itsaso Arana crée une performance, une lecture musicale en français de ses carnets de notes du tournage d’Eva en août qu’elle a coscénarisé avec Jonás Trueba. Elle est accompagnée de Solea Morente, chanteuse et musicienne qui apparaît dans le film, d’Eva Manzano, danseuse de flamenco, et du guitariste Gonzalo Navarro. 

Arizona Distribution, partenaire de l’événement, sort en salle au même moment La reconquista, le quatrième long métrage de Jonás Trueba, les retrouvailles éphémères de deux amis qui ont formé un couple à l’adolescence. Un ouvrage consacré à ses films, Jonás Trueba - Le cinéma, c'est vivre trois fois plus, le premier en français, paraît simultanément aux éditions de l’Œil en partenariat avec le Centre Pompidou. En son cœur, un entretien-fleuve avec le cinéaste mais aussi avec divers·es collaborateur·ices réalisé à Madrid par Éva Markovits, programmatrice de la rétrospective, et Judith Revault d’Allonnes, responsable du service des cinémas au département culture et création, avec la complicité de Massoumeh Lahidji, interprète et traductrice. L’ouvrage contient également un ample essai de Marcos Uzal, rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, des carnets de notes de tournage de Jonás Trueba lui-même ainsi que des photos et documents de travail inédits.

L’œuvre de Jonás Trueba, à la fois légère et mélancolique, tire sa vitalité autant du plaisir de la conversation et de la communion que de la solitude et de ses tourments, reflets des questionnements existentiels qui traversent le quotidien d’une génération – l’engagement dans une relation amoureuse à la vingtaine dans Los exiliados románticos, la quête de soi passé trente ans dans Eva en août ou la mise à l’épreuve du couple à l’approche de la quarantaine dans Septembre sans attendre (Volveréis, 2024, sélectionné à la Quinzaine des cinéastes). Après une première expérience de production classique insatisfaisante, Trueba se libère des contraintes imposées par l’industrie et Los ilusos, son « film zéro », est tourné sur le temps libre d’une bande d’amis à partir d’un canevas léger. Cette approche pose les bases du cinéma qu’il souhaite réaliser, chaque film ayant sa propre échelle, pourvu que le plaisir de la création collective soit au rendez-vous - Qui à part nous (Quién lo impide, 2021), portraits croisés d’une bande de lycéens, a mis cinq ans à voir le jour et dure 3h40 tandis que Venez voir, tourné en huit jours avec quatre acteurs et monté en dix, dure à peine plus d’une heure. Une grande cinéphilie ainsi qu’une appétence pour les autres arts – littérature, philosophie et musique principalement – parsèment les films et les dialogues de citations qui témoignent d’un plaisir du partage et d’une place importante accordée au spectateur au sein d’une narration très libre.