Rétrospective cinéma
Radu Jude
23 sept. - 14 oct. 2025
23 sept. - 14 oct. 2025


Radu Jude, « Kontinental '25 », 2025 - © Radu Jude
L’œuvre du réalisateur roumain Radu Jude est, à bien des égards, le secret le mieux gardé de la cinéphilie contemporaine.
Sa profusion et son amplitude – vingt-huit films de tous formats depuis le début des années 2000, fictions, documents et expérimentations – ne sont parvenues en France qu'en petite partie, dans le sillage de l’Ours d’or attribué en 2021 à Bad Luck Banging or Loony Porn à la Berlinale. Et pour cause : Radu Jude construit à une vitesse ébouriffante une filmographie qui traverse tous les territoires avec une grande fluidité formelle, bousculant le cinéma en le confrontant aux impasses mémorielles et aux aberrations actuelles pour le porter, avec la vigueur de la farce, à son plus haut degré d'intranquillité.

Radu Jude, « Kontinental '25 », 2025 - © Radu Jude
Alors que deux nouveaux films de Radu Jude, Kontinental'25 (Ours d’argent du meilleur scénario à la Berlinale 2025) et Dracula, s’apprêtent à sortir sur les écrans, le 24 septembre pour le premier, la rétrospective intégrale de son travail est présentée au mk2 Bibliothèque × Centre Pompidou, en présence du cinéaste et de nombreux invités.
Le Centre Pompidou s'associe à la publication d'un ouvrage monographique, coédité par Les éditions de l'Œil et le FIDMarseille, consacré à Radu Jude, invité principal de la 36ᵉ édition du FID (du 8 au 13 juillet 2025) pour une rétrospective de son œuvre. À paraître en juillet 2025 dans la collection One, Two, Many, ce livre réunit des extraits du journal du cinéaste, un long entretien ainsi que plusieurs textes.
La Film Gallery présente parallèlement Sleep #2 et The Exit of the trains sous forme d’installation multi-écrans.
Après des études à Bucarest et un début de carrière en tant qu’assistant réalisateur sur les films de Costa Gavras, Cristi Puiu et Radu Muntean, Radu Jude s’est rapidement imposé comme l’une des voix les plus stimulantes du cinéma européen. Une Europe post-communiste et plongée dans le capitalisme avancé, vue depuis la Roumanie, qui est précisément au centre de son travail et sur laquelle il pose un regard décapant, libre de toute allégeance et de toute bienséance.
Son œuvre, aussi singulière qu’elle soit, échappe à la définition tant elle est à la fois d’une immense fureur politique, d’une implacable précision historique, dialectique et filmique mais aussi d’une grande drôlerie, toujours impertinente et farcesque – Radu Jude reprenant à son compte la célèbre formule de Marx selon laquelle l’histoire se répète toujours « la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide ». La clé, peut-être, pour appréhender cette œuvre plurielle et fascinante est à chercher dans l’articulation de la colère intacte et palpable du cinéaste à son refus de tout cynisme, de toute paresse intellectuelle manichéenne comme de toute complaisance compassionnelle. Parce qu’il tient en haute estime le cinéma et ses spectateurs, il choisit plutôt de les confronter, avec un sérieux humour corrosif, à l’Histoire de l’Europe et à la mauvaise farce que joue un passé mal digéré – notamment dans ses documentaires et fictions sur le génocide des juifs par le pouvoir roumain pendant la Seconde Guerre mondiale, dont le remarquable Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares en 2018. C’est avec la même curiosité et la même lucidité qu’il embrasse à la fois les inventions du présent et ses violences multiples comme peu de cinéastes le font aujourd’hui – N’attendez pas trop de la fin du monde, en 2023, mettait ainsi en vis-à-vis l’exploitation au travail et le défouloir sur les réseaux sociaux.
Dans un carton initial de Caricaturana, un court métrage réalisé en 2021, Radu Jude cite Baudelaire à propos du caricaturiste Honoré Daumier, dans un quatrain qui pourrait aussi bien servir de portrait du cinéaste : « C’est un satirique, un moqueur ; mais l’énergie avec laquelle Il peint le Mal et sa séquelle, prouve la beauté de son cœur. »
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