Piero Heliczer et la Paris Filmmakers Cooperative

« À présent nous pouvons proposer des films de Dexter Kelly (Jack Smith), Stan Brakhage, Patti Lee Chenis, Piero Heliczer, Andy Warhol, Gerard Malanga, Charles Henri Ford, Kenny Schneider, Shirley Clarke (qui a cependant demandé qu’on lui renvoie sa copie), Erich von Stroheim, Walt Disney, et Naomi Levine. Nous attendons des copies d’un moment à l’autre de films de Paul Morrissey, Ray Wisneiwski, Jeff Keen, et Willard Maas ; le film de Ira Cohen sera disponible quand la conscience reviendra à la contemplation, ou bien vers le mois de mai. » — La Paris Filmmakers Cooperative racontée par Piero Heliczer, Filmmakers Newletter (février 1971)

Artiste, poète, éditeur, acteur et cinéaste, Piero Heliczer (1937-1993) a vécu, nomade, entre Paris, Amsterdam et New York, avant de s’installer dans l’Orne. Figure des marges, il est au cœur de l’histoire de l’underground américaine et de la contre-culture internationale des années 1960-1970. À la fin des années 1950 à Paris, il fonde avec le musicien Angus MacLise la maison d‘édition The Dead Language Press, et publie ses propres pièces ainsi que celles des poètes et écrivains de la Beat Generation ; après un passage en Angleterre où il réalise son premier film avec le cinéaste Jeff Keen (The Autumn Feast, 1961), il s’installe à New York où il noue des liens d’amitié avec Jack Smith, Jonas Mekas, Andy Warhol : il apparaît ainsi dans Flaming Creatures (Jack Smith, 1963) ou encore Couch (Andy Warhol, 1964), et collabore à son tour avec, entre autres, Tony Conrad, Gerard Malanga, Mario Montez… Le cinéma est l’une des formes par lesquelles Piero Heliczer fixe une présence au monde aussi intense que fugitive : mêlant journal filmé, performance, et mises en scène aux accents mythologiques, The Stone Age (ca. 1969–70) et Robin Hood (ca. 1970–71) relient les pierres des églises normandes et celles des buildings new-yorkais, la venue au monde d’une enfant à la Renaissance italienne et aux rites de l’occultisme.

Au milieu des années 1960, Heliczer fonde la Paris Filmmakers Cooperative – qu’il décrit en 1971 comme une « organisation à but non lucratif vouée aux idéaux les plus hauts de la création cinématographique, sans discrimination de race, de couleur, de croyance, de sexe, de naissance, de nationalité, ou de compétence artistique. » La Coop prend son essor à la fin des années 1960, avec l’acquisition de copies de films auprès de cinéastes que Heliczer a pour la plupart fréquentés à New York. Des projections sont organisées à Paris, notamment au Centre Américain, Boulevard Raspail ; aux Friches, dans la campagne normande, où Piero possède une maison qui est l’adresse officielle de la PFMC ; mais aussi en Allemagne, en Autriche, en Italie… Elles sont souvent accompagnées de lectures de poésie, voire de concerts ou de performances.

Patti Lee Chenis, artiste et cinéaste, alors compagne de Heliczer, tient un rôle important dans l’organisation des activités de la PFMC. Dans Yogurt Culture (1970), elle mêle à une expérimentation avec ses propres dessins des scènes de sa vie quotidienne, sur une bande-son où l’on peut entendre une chanson traditionnelle lituanienne. Shaman, A Tapestry for Sorcerers (1967) de Storm de Hirsch, fait partie des films programmés par Heliczer dans les séances de la PFMC. La dimension mystique de l’œuvre de la réalisatrice et poétesse recoupe la part visionnaire de l’œuvre de Heliczer, notamment sa poésie. Proche de Heliczer, avec qui il collabore sur plusieurs revues de poésie, proche également de son ami Angus MacLise, le poète, artiste et éditeur Ira Cohen réalise en 1968 Invasion of Thunderbolt Pagoda, à la bande-sonore duquel collabore notamment Tony Conrad.