Exposition / Musée
Christian Jaccard
Énergies dissipées
4 mars - 18 mai 2020
L'événement est terminé
En 2017, l’artiste plasticien Christian Jaccard fait une donation exceptionnelle au Centre Pompidou. Présentée ici pour la première fois au public, elle rend compte d’un parcours puissamment original, qui traduit le monde au travers de deux idées fortes, « nouer » et « brûler ». Ces deux outils forment un paradigme qui postule une façon de voir les choses et traduit une certaine dynamique du monde.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis
Temporairement fermé
Où
Entretien avec Christian Jaccard
Une ligne de feu court en filigrane le long d’une grande partie de votre œuvre : quel en a été le
« départ » ?
Christian Jaccard – Mis très tôt au collège puis aux louveteaux, j’apprends le Manuel du gabier et les feux de camp qui m’ont fasciné et hypnotisé par l’éruption de flammes, leurs danses imprévisibles et fulgurantes, leurs énergies libérées puis consumées et réduites en cendre. Et ce souvenir enfoui dans un passé lointain surgit plus tard inopinément à travers les expériences d’écobuage (brûlis d’herbes sèches) et la rencontre de matières combustibles mises à l’épreuve.
Quels principes ont guidé votre choix pour ce don, et comment cet ensemble complète-t-il les œuvres de vous déjà présentes dans la collection ?
CJ – Le choix et le but de la donation sont de mettre en perspective les acquisitions faites par le Musée national d’art moderne au cours des dernières décennies, et de témoigner ma reconnaissance envers ceux qui ont porté un regard et ont engagé leur expertise sur ces œuvres. Nouer/Brûler sont deux « outils » formant un paradigme qui postule une façon de voir les choses et de traduire une certaine dynamique du monde. Entre voies nouées et voies ignées, mes intuitions sont guidées par l’entropie de forces contradictoires et pourtant concomitantes. Leur appropriation, leur détournement occasionnel, l’exploration de ces deux pistes parallèles sont l’expression d’une confrontation des énergies dissipées (émancipées puis assujetties), et stigmatisées par le choix des matériaux, des mediums et dont l’application, à l’instar des caprices du hasard, matérialisent une phénoménologie des empreintes. La dynamique de mes intuitions parie et spécule selon ces deux voies s’effleurant, sans jamais fusionner. Les œuvres choisies éclairent, précisent et légitiment la méthode par laquelle les sources puis les traces de leur énergie se nouent, se construisent, se propagent, s’enflamment, se transforment, se consument et se délitent. C’est une intrigue dont les forces d’attraction et de répulsion ne cessent de s’exalter et dont subsistent des œuvres de diverses natures : ce sont les objets de la donation.
Un mot sur le film, qui constitue aujourd’hui l’un de vos médiums de prédilection ?
CJ – Bien qu’ils soient tous deux des réceptacles, c’est le décalage entre l’œil rétinien et l’œil d’une focale qui m’interpelle. Lors de combustions murales et durant leur braisillement la cinétique des images enregistrées instaure dans sa succession d’instants un déroulement grandiose du processus chimique et fulminant. En tant que medium et support, le film sauvegarde, documente et rejoue le parcours fugitif d’un théâtre incandescent jusqu’à son extinction et à l’émergence de son empreinte carbone. La pratique du « tableau éphémère » et des « vidéocombustions » s’inscrit dans le processus des énergies dissipées.
Source :
Propos recueillis par Jean-Pierre Criqui
Conservateur, Musée national d’art moderne
Commissaire de l’exposition
In Code couleur n°36, janvier-avril 2020, p. 36-37