Exposition / Musée
David Goldblatt
21 févr. - 13 mai 2018
L'événement est terminé
Le Centre Pompidou consacre pour la toute première fois une rétrospective à l’œuvre de David Goldblatt, figure clé de la scène photographique sud-africaine et artiste phare du documentaire engagé. À travers ses photographies, Goldblatt raconte l’histoire de son pays natal, sa géographie et ses habitants. L’artiste entretient dans son œuvre une tension singulière entre les sujets, le territoire, le politique et la représentation. L’exposition retrace son parcours à travers un choix de séries majeures et dévoile aussi des ensembles plus méconnus, comme ses premières photographies prises dans les townships de Johannesbourg. La série On the Mines, devenue aujourd’hui une œuvre emblématique de l’histoire de la photographie documentaire, est présentée avec des tirages de travail. L’exposition montre enfin une partie de la série Particulars appartenant à la collection du Centre Pompidou, ou encore le travail plus récent de l’artiste à travers la série Intersections. Toutes ces séries reviennent avec acuité sur la complexité des relations sociales sous l’apartheid.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis
Où
Présentation par la commissaire d'exposition
Né en 1930, David Goldblatt parcourt inlassablement l’Afrique du Sud, depuis presque trois quarts de siècle. À travers ses photographies, il raconte l’histoire de son pays natal, sa géographie et ses habitants. Il examine ainsi scrupuleusement l’histoire complexe de ce pays, lui qui fut témoin de la mise en place de l’apartheid, de son développement, puis de sa chute. Lauréat du Hasselblad Award (2006) et du prix Henri Cartier-Bresson (2009), David Goldblatt est aujourd’hui considéré comme l’un des photographes majeurs du 20e siècle, mais pour bien d’autres raisons qu’une simple fidélité à son sujet. L’artiste limite chaque travail personnel à un lieu particulier, dont il a une très bonne connaissance. Cette parfaite maîtrise du terrain lui permet de trouver la forme la plus juste pour exprimer toute sa complexité. Si son approche documentaire le relie à des maîtres tels Dorothea Lange, Walker Evans, August Sander ou encore Eugène Atget, Goldblatt n’a jamais voulu adopter des solutions photographiques déjà existantes.
La singularité de l’art de Goldblatt réside, plus largement, dans son histoire personnelle et sa vision de la vie. Né dans une famille d’immigrés juifs lituaniens fuyant les persécutions, il est élevé dans un esprit d’égalité, de respect et de tolérance vis-à-vis des personnes d’autres cultures et d’autres religions. Dans sa maison natale, remplie de livres, les différences d’opinions se discutent. Ses frères aînés le sensibilisent aux questions sociales et l’introduisent à la pensée de gauche. En témoignent ses premières photographies réalisées entre 16 et 18 ans - dockers, pêcheurs, ouvriers miniers. Le sujet de la mine l’intéresse tout particulièrement : devenu jeune photographe professionnel, il réalisera plus tard une série autour des mines en déclin, voire abandonnées, de sa région natale. Ces photographies constituent la matière de son premier livre photographique, On the Mines, qu’il signe avec Nadine Gordimer. À cela s’ajoutent sa curiosité et sa volonté de comprendre, plutôt que de bannir les attitudes qu’il ne partage pas. C’est ce qui l’a poussé, après l’avènement de l’apartheid, à poser son regard sur les petits agriculteurs afrikaners qu’il croisait dans la boutique de vêtements de son père. Ces images sont publiées en 1975 dans son deuxième livre, intitulé Some Afrikaners Photographed. Le désaccord avec la politique raciale de l’apartheid et les abus du gouvernement actuel sont à la source d’une longue série d’images entreprise il y a presque quarante ans, intitulée Structures. Les photographies des bâtiments et des paysages, accompagnées de légendes informatives détaillées, encouragent une réflexion sur le rapport que les formes de ces environnements entretiennent avec les valeurs sociales et politiques des individus ou des groupes sociaux qui les construisent et les habitent.
David Goldblatt répète souvent que la photographie n’est pas une arme et qu’elle ne devrait se rapprocher d’aucune propagande, même dans un but louable. Le langage photographique qu’il a privilégié est, dans la lignée de cet esprit, à la fois simple et intense. En prenant le temps, en utilisant un appareil moyen format, en posant l’appareil sur le trépied, et en mettant ses opinions au second plan, Goldblatt donne un espace à la personne ou au lieu photographié, exprimant ainsi leurs idées et leurs valeurs.
Des essais de jeunesse jusqu’aux images les plus récentes, l’exposition rétrospective que consacre le Centre Pompidou à l’œuvre de David Goldblatt offre, pour la première fois en France, un parcours inédit de plus de 50 ans de photographie. Réunissant plus de deux cents photographies, une centaine de documents inédits ainsi que des films où Goldblatt commente ses photographies, elle permet au public de plonger dans cet œuvre fascinant qui apprend à regarder avec un œil conscient et analytique. Comme l’écrivait Nadine Gordimer, grande auteure et amie du photographe : « La ‹ chose essentielle › dans les photographies de Goldblatt n’est jamais un morceau, ou le raccourci visuel d’une vie ; elle est empreinte par le désir de communiquer, grâce à la connaissance et la compréhension, la totalité du contexte de cette vie, dans laquelle ce détail, parmi et plus que tous les autres, est signifiant. Et c’est la présence de ‹ chose essentielle › – et non pas le détail en soi – qui maintient l’équilibre dans la totalité, entre la généralité de ce qui a été vu à de maintes reprises et ce qui est vu de manière singulière. »
« David Goldblatt ne saisit pas le monde avec l’appareil. Il cherche à se débarrasser des idées préconçues sur ce qu’il voit avant de les sonder davantage avec son instrument de prédilection – l’image photographique. » Nadine Gordimer, 1983
Source :
In Code Couleur, n°30, janvier-avril 2018, pp. 26-29
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