Portrait [prémonitoire] de Guillaume Apollinaire (Ritratto [premonitor…
printemps 1914

Portrait [prémonitoire] de Guillaume Apollinaire
(Ritratto [premonitore] di Guillaume Apollinaire)
printemps 1914
Giorgio De Chirico arrive à Paris en 1911, où il intègre deux ans plus tard le cercle qui se forme autour d’Apollinaire. Dès 1913, le poète admire la production du peintre et la défend dans plusieurs articles. Conscient de la contribution du poète à son succès, De Chirico lui rend hommage en lui offrant ce portrait aux attributs orphiques. Apollinaire décide d’en utiliser l’image comme frontispice de son premier recueil de calligrammes, Et moi aussi je suis peintre, publié en 1914. Une cible « prémonitoire » tracée sur la tempe de l’ombre représentant le poète de profil indique précisément l’endroit où il sera frappé par un éclat d’obus pendant la guerre, en 1916.
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile et fusain sur toile |
Dimensions | 81,5 x 65 cm |
Acquisition | Achat, 1975 |
N° d'inventaire | AM 1975-52 |
Informations détaillées
Artiste |
Giorgio De Chirico
(1888, Grèce - 1978, Italie) |
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Titre principal | Portrait [prémonitoire] de Guillaume Apollinaire (Ritratto [premonitore] di Guillaume Apollinaire) |
Ancien titre donné par l'artiste | Portrait de Guillaume Apollinaire |
Date de création | printemps 1914 |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile et fusain sur toile |
Dimensions | 81,5 x 65 cm |
Inscriptions | S.D.B.DR. : G. de Chirico / 1914 |
Acquisition | Achat, 1975 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 1975-52 |
Analyse
Arrivés à Paris en 1911, les frères De Chirico (Giorgio et Alberto, ce dernier adoptant le nom de Savinio) ne tardent pas à intégrer le groupe de peintres et de poètes qui se forme autour de Guillaume Apollinaire et de sa revue Les Soirées de Paris. Pour les deux frères qui s’identifient aux Dioscures Castor et Pollux (ils sont originaires de Volos en Thessalie, d’où, en quête de la Toison d’or, est parti l’Argos), Apollinaire devient le moderne Orphée (le poète antique avait été le guide des Argonautes). Le poète a lui-même contribué à son identification à la figure d’Orphée. En 1911, il publie Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée, pour lequel Raoul Dufy conçoit des illustrations parmi lesquelles figure une représentation d’Orphée, associé à ses attributs iconographiques classiques : la lyre et les poissons. (La légende voulait que le chant d’Orphée provoquât la sortie des eaux des poissons charmés par ses mélodies.) Dans le tableau (cat. rais., II, n°105), la coque évoque cette lyre. En 1912, pour tenter de concilier cubisme et futurisme, Apollinaire conçoit sa théorie de l’orphisme, dont il annonce l’avènement à l’occasion d’une conférence qu’il donne, le 9 octobre 1912, à la galerie La Boétie. Aux attributs « orphiques » qu’il associe à la figure d’Apollinaire, le peintre ajoute la représentation d’une paire de lunettes qui évoque la « voyance » du regard poétique, sa capacité à percevoir le monde au-delà de ses apparences concrètes.
De Chirico offre son portrait à Apollinaire, lequel décide d’en utiliser l’image comme frontispice de son premier recueil de calligrammes, Et moi aussi je suis peintre. (Pierre Roy réalise une xylographie d’après le tableau.) Lorsque les surréalistes renouent avec une conception de la poésie qui l’associe à la voyance, à la vaticination, le Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire devient, pour eux, une œuvre de référence (Eluard en possédera une étude dessinée). La silhouette du poète, apparaissant en ombre chinoise dans la partie supérieure de l’œuvre, désigne précisément l’emplacement où Apollinaire est frappé par un éclat d’obus, le 17 mars 1916.
Didier Ottinger
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007