L'apprenti ouvrier
[1925]
L'apprenti ouvrier
[1925]
Pour un de ses rares autoportraits, Rouault choisit de se représenter avec un couvre-chef blanc, comme un modeste ouvrier, grave et renfermé.
Enfant des faubourgs et apprenti-verrier à ses débuts, le peintre restera toujours fier de ses origines populaires. Avec son portrait en humble serviteur, il semble rejeter le statut du génie créateur issu de la Renaissance. Mais la composition suggère aussi une sacralisation de l'artisan : le demi-cercle de la calotte blanche n'évoque-t-il pas une auréole ? Le visage sévère placé sur un fond bleu, émaillé, ne rappelle-t-il pas la majesté des icônes ? Nous sommes au cœur du projet artistique de Rouault : la fusion du sacré et du profane.
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur papier marouflé sur toile |
Dimensions | 68 x 52 cm |
Acquisition | Don de l'artiste, 1953 |
N° d'inventaire | AM 3170 P |
En salle :
Musée - Niveau 5 - Salle 8 : Georges Rouault
Informations détaillées
Artiste |
Georges Rouault
(1871, France - 1958, France) |
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Titre principal | L'apprenti ouvrier |
Date de création | [1925] |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur papier marouflé sur toile |
Dimensions | 68 x 52 cm |
Inscriptions | S.B.DR. : [trace de signature illisible] |
Acquisition | Don de l'artiste, 1953 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 3170 P |
Analyse
Les portraits d’après modèle (une vingtaine) et les autoportraits sont peu nombreux dans l’œuvre de Rouault qui a fréquemment peint des « types » stigmatisant un trait de caractère de portée universelle. Entre 1925 et 1929, il exécute une série de lithographies, un dessin à la gouache, et deux peintures présentant une composition proche dont il est le sujet. L’Apprenti ouvrier (Courthion, 1962, op. cit. , p. 179 ; cat. rais. n o 2534) est l’autoportrait le plus abouti. Son titre exprime le positionnement social de Rouault et le regard qu’il porte sur lui-même, se refusant à toute vanité, celle même que dénonce son œuvre. Il se représente coiffé d’un chapeau qui évoque la calotte de « Pierrot », chargé dans son répertoire iconographique de signifier l’homme et sa condition. (Deux dessins antérieurs, 1903 et 1920, le montrent en clown au petit chapeau conique).
L’Apprenti ouvrier se présente comme un portrait grave et méditatif auquel la rigueur anguleuse des traits, la rigidité du cou dégagé d’un plastron aux lignes strictes confèrent une sévérité hiératique, qu’atténuent les courbes du chapeau et des épaules. Modelé par la diversité des nuances et par de puissantes ombres noires, le visage est montré de trois quarts dans un clair-obscur qui intensifie l’expression intériorisée. Utilisant l’huile, Rouault emploie une palette complexe qui mêle les effets de matière (violet, gris, bleus, ocres superposés définissent la tonalité du visage) et de transparence dans un chromatisme sourd. La bordure verte, cadre à l’intérieur de la peinture, souligne sa qualité de portrait.
Conservée par Rouault, l’œuvre fut présentée à la Kunsthaus de Zurich, en 1948, puis au Salon de mai, en 1951, et figura, retouchée, dans la rétrospective organisée par le Musée en 1952. À l’issue de cette exposition, Rouault l’offrit au Musée.
Martine Briand
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007