Rencontre
Selon Michael Fried
Artistes et autres penseurs
5 - 14 nov. 2014

L'événement est terminé

Michael Fried est invité à concevoir une série de six soirées mettant en lumière certaines de ses préoccupations et recherches actuelles.

Michael Fried, professeur à l’université Johns Hopkins de Baltimore, est invité à concevoir une série de six soirées mettant en lumière certaines de ses préoccupations et recherches actuelles. Michael Fried est l’un des historiens majeurs de l’art moderne et contemporain et un critique d’art déterminant du demi-siècle passé. Il mène une activité de chercheur et d’écrivain, touchant à des sujets aussi divers que l’art abstrait de l’après-guerre ; la peinture et la critique d’art en France au XVIIIe siècle ; des artistes allemands du XIXe siècle comme Friedrich et Menzel ; Caravage et la transformation de la peinture italienne autour de 1600 ; des figures littéraires comme Baudelaire, Flaubert, jusqu’à des artistes contemporains comme Anri Sala, Charles Ray et Douglas Gordon. Conjointement à ses écrits scientifiques, il a publié plusieurs recueils de poèmes.
Une sélection de ses textes a été réunie dans Art and Objecthood: Essays and Reviews (Contre la théâtralité, 2007, Gallimard). On lui doit aussi une trilogie de référence sur la peinture française : La Place du spectateur (1990), Le Réalisme de Courbet (1993), Le modernisme de Manet (2000), aux éditions Gallimard. En 2008, il publie un livre qui étudie les nouveaux enjeux de la photographie contemporaine depuis les années 1970 à travers l’œuvre de Jeff Wall, Hiroshi Sugimoto, Andreas Gursky notamment (Pourquoi la photographie a aujourd'hui force d'art ? (Hazan, 2013), et en 2014 Another Light : Jacques-Louis David to Thomas Demand (Yale University Press). « Les questions relatives à la place du spectateur devant l’œuvre ne sont plus l’apanage de la peinture. Problématique du regard, intentions de l’artiste, autonomie esthétique de l’œuvre sont autant d’interrogations que l’art contemporain inscrit au cœur de sa réflexion, réactualisant au passage les notions de théâtralité, de littéralité et d’objectité. » Michael Fried
Propos recueillis par Jean-Pierre Criqui, responsable du Service de la Parole au Centre Pompidou.
JPC : Le titre que vous avez choisi pour cette série d’invitations, "Artistes et autres penseurs”, laisse entendre que l’idée qu’il y ait une pensée propre à l’art vous tient à cœur. De quelle manière?
MF: C’est une question épineuse mais mon titre invite à la poser. Je ne veux pas insinuer que l’art en tant que tel soit une affaire purement intellectuelle. Néanmoins, je trouve que l’art le plus significatif de notre temps – les sculptures de Charles Ray et les photographies de Thomas Demand en étant de parfaits exemples – est inévitablement engagé avec des problèmes théoriques, voire philosophiques, et de façon fort subtile. Par exemple, l’œuvre de ces deux artistes insistent sur l’intentionnalité – de l’œuvre saturée par les intentions de l’artiste, qu’elles soient personnelles ou déléguées, au-delà de l’intentionnalité généralement propre à l’art du passé. Mes autres invités, deux historiens de l’art (Ralph Ubl et Molly Warnock), un philosophe (Robert Pippin) et un critique et théoricien littéraire (Walter Benn Michaels), sont des praticiens exceptionnellement réfléchis dans leurs domaines respectifs.
JPC : Votre carrière d’historien de l’art et de critique est scandée par trois moments différents: comment cela s’est-il mis en place?
MF : Je suppose qu’il y a un premier moment sous l’influence de Clement Greenberg, culminant en 1965 à travers l’exposition à Harvard intitulée Three American Painters : Noland, Olitski, Stella. Puis est arrivé le moment décisif du « dépassement » de la théorie du modernisme greenbergien, tel qu’il se manifeste dans certains essais de
1966-67, comme « Shape as Form » et « Art and Objecthood ». Ma thèse sur les sources de Manet s’est suivie de la découverte que la préhistoire de la peinture moderniste a eu lieu dans les années 1750 et 1760 en France. L’inépuisable pensée sur la peinture et le théâtre du grand Denis Diderot a été une autre découverte. Trois livres en ont résulté, plus ou moins consécutifs, La place du spectateur, Le réalisme de Courbet et Le modernisme de Manet, dans lesquels je présente une conception de la dialectique de la peinture moderne de ses origines chez Chardin et Greuze jusqu’à son apothéose, si je puis dire, chez Manet. Comme vous le savez, la relation de la peinture au spectateur joue un rôle majeur dans ces trois livres, tout comme c’est le cas, de manière différente, dans plusieurs de mes ouvrages ultérieurs, dont Pourquoi la photographie a aujourd'hui force d'art ?, Four Honest Outlaws: Sala, Ray, Marioni, Gordon, et Another Light: Jacques-Louis David to Thomas Demand.
JPC : Quel est selon vous l’état de l’histoire de l’art, en tant que discipline, aujourd’hui?
MF : Que dire, si ce n’est que dès mes premières années de doctorant je me suis toujours senti essentiellement à l’écart de l’histoire de l’art en tant que champ et discipline. Je me contente de ne pas la retenir, pourvu que je sois libre d’écrire ce que je veux.
Où
Petite Salle
Quand
5 - 14 nov. 2014