Utopies modernes

Thématique, internationale et multimédia, la nouvelle présentation des collections du Centre Pompidou à Málaga, intitulée Utopies modernes, reflète l’ambition portée depuis l’ouverture du Centre Pompidou-Málaga en 2015 : offrir une traversée renouvelée de l’art moderne et contemporain en puisant dans la richesse et la diversité d’une collection unique au monde, la première d’Europe. Pendant toute l’année 2018, un exceptionnel cycle de films et de vidéos de la collection du Centre Pompidou prolonge ce parcours.

Soutenue par des œuvres phares, l’exposition nous fait revivre un siècle d’histoire, de 1917 à 2017, et s’interroge sur le rôle et le destin des avant-gardes, flambeaux ou martyrs des utopies. Articulé en six parties – la grande utopie, la fin des illusions, ensemble, la cité radieuse, imaginer le futur, l’âge d’or – le parcours montre comment les artistes modernes ont pensé l’utopie en images, portés par un unique idéal : « mettre de la beauté dans le monde », comme l’exprime l’artiste français Martial Raysse.

Acteurs, témoins ou victimes de l’histoire, les artistes modernes ont réinventé les grands mythes utopiques. Esprits libres, ennemis de toute propagande, déchirés entre utopies et contre-utopies, rêve et réalité, ils ont ressuscité des figures et des formes symboliques portant ou dénonçant les idéaux et les chimères de l’humanité. Au monument à la Troisième Internationale (1919/1979) de Vladimir Tatline, tour de Babel porteuse de l’élan révolutionnaire de 1917, s’oppose L’homme qui court (1930-1931) de Kasimir Malévitch et sa croix ensanglantée ou La Chute d’Icare (1974/ 1977) de Marc Chagall, qui symbolise l’éternel échec des utopies.

À la cité radieuse fonctionnaliste du Corbusier, se heurte la vidéo critique de Pierre Huyghe : Ce n’est plus le moment de rêver. Face aux images d’engagement politique collectif des années 1970 (Diada, 1978/1979 d’Antonio Saura) se dresse le petit bonhomme vert de Fabrice Hyber (L’Homme de Bessines, 1991/1997) poétique alternative au mythe illusoire du progrès. Émancipé du matérialisme contemporain, l’artiste ouvre grand l’univers du possible. Il l’imagine transfiguré par la couleur (Robert Delaunay, Rythme, Joie de vivre, 1930), édénique et pictural (Joan Miró, Personnages et oiseaux dans la nuit, 1974). Il résiste au malheur moderne par le songe pastoral d’un monde heureux, d’un jardin enchanté (François-Xavier Lalanne, Troupeau de moutons, 1965/1979) comme dans le passé. (Peter Doig, 100 Years Ago, 2001). Ces œuvres, tour à tour grinçantes et polémiques ou optimistes et constructives, se rejoignent à la fin du parcours dans une image réconciliatrice, celle d’un temps d’harmonie. Filmée de dos, l’artiste luxembourgeoise Su-Mei Tse, Lion d’or de la Biennale de Venise de 2003, joue sur son violoncelle un morceau de sa composition, dont l’écho vibre dans l’espace sublime du paysage.