Autoportrait
1937
Autoportrait
1937
Domaine | Dessin |
---|---|
Technique | Fusain sur papier monté sur papier vergé |
Dimensions | 25,4 x 20,3 cm |
Acquisition | Achat, 1984 |
N° d'inventaire | AM 1984-42 |
Informations détaillées
Artiste |
Henri Matisse
(1869, France - 1954, France) |
---|---|
Titre principal | Autoportrait |
Date de création | 1937 |
Domaine | Dessin |
Technique | Fusain sur papier monté sur papier vergé |
Dimensions | 25,4 x 20,3 cm |
Inscriptions | MO.D.B.DR. : HM/37 |
Acquisition | Achat, 1984 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1984-42 |
Analyse
Matisse en 1937 exécute trois autoportraits au fusain et à l'estompe dans lesquels il applique à sa propre image la méthode de dessin « additive » par superposition de tracés, ombres, hachures et effacements, constituant une alternative aux dessins par séquences et séries dont les Nus couchés de 1935 (pp. 230-233), sont exemplaires1. Cette méthode appartient aux moyens dont dispose la technique académique pour le dessin d'étude. Matisse l'a d'ailleurs pratiquée, dès le début du siècle et régulièrement depuis, selon les exigences de ses travaux. Mais il semble qu'il s'agisse ici d'un renouvellement de cette expression graphique qui associe à la mise en place des lumières, celle du schéma structurel du sujet, à la couleur, le tracé.
Dispersés dans trois collections, ces autoportraits se trouvent réunis ci-contre pour vérifier le processus matériel dont ils sont les états. Leur confrontation met en évidence tant les infimes mouvements de la position du visage que la source de leurs modifications : le format du dessin. Cette question, Matisse la tenait pour centrale, comme il s'en expliqua dès 1908 dans Les Notes d'un peintre : « La composition, qui doit viser à l'expression, se modifie avec la surface à couvrir. Si je prends une feuille de papier d'une dimension donnée, j'y tracerais un dessin qui aura un rapport nécessaire avec son format. Je ne représenterais pas ce même dessin sur une autre feuille dont les proportions seraient différentes, qui par exemple serait rectangulaire au lieu d'être carrée. Mais je ne me contenterais pas de l'agrandir si je devais le reporter sur une feuille de forme semblable, mais dix fois plus grande. Le dessin doit avoir une force d'expansion qui vivifie les choses qui l'entourent »2.
Les notions de format, de dimensions, d'échelle, de champ, peuvent nous servir de guide pour comprendre le lien qui donne toute leur signification à ces trois dessins. L'Autoportrait de Baltimore figure la tête et le haut du buste de l'artiste. Il concentre dans une zone médiane, verticale, les noirs qui « dialoguent » avec les blancs. Cette partition des valeurs confère à l'autoportrait le caractère d'un volume dans la lumière. Un volume qui tourne et dont la sorte d'ombre portée le long de la face, entretissée des tracés antérieurs, marque l'aire du mouvement comme le ferait un flou, un effet de bougé dans une photographie. L'Autoportrait de Washington, possède un format réduit d'un tiers environ et recentre le dessin sur le visage et le col. Le trois-quarts semble plus ouvert que dans le dessin précédent, à moins que ce ne soit les ombres, se partageant ici de manière quasi uniforme, qui changent les rapports des surfaces entre elles et en modifient les dimensions. L'expression « sévère » de l'artiste est celle de l'analyse en cours, de l'observation sans détour du dessin. L'Autoportrait du MNAM possède lui un format encore plus petit, présentant une nouvelle réduction d'un tiers3. Celle-ci opère un cadrage sur le visage de Matisse dont le front, le côté droit de la tête, le menton sont coupés net. Le gros plan place l'articulation des axes graphiques du regard, du nez et de la bouche au centre de la feuille que seul un gris estompé, presque étale, module. Les ombres n'y sont plus que les cernes des traits épais dus au fusain. Quant à l'expression, il semble que ce rapprochement extrême, à la limite du point focal où la vision se brouille et se déforme, l'ait comme adoucie, nuancée d'ironie.
Ainsi Matisse paraît avoir abouti, par la réduction progressive de son sujet, à une vision à la fois aiguë et intime de son autoportrait. Notons que malgré le resserrement du format et du cadrage, les trois dessins respectent une même échelle proche de la vraie grandeur ou en tout cas de l'image renvoyée par le miroir. (On pourrait calculer l'éloignement de l'artiste à celui-ci d'après l'angle des yeux, identique dans les trois feuilles). Ce « zoom » des Autoportraits n'est donc pas l'effet d'un changement dans les distances mais d'une modification du rapport motif-feuille selon la stricte application du principe énoncé en 1908. Ce rapprochement mental qui est une manière d'entrer en possession de son sujet, de s'y identifier, se termine dans le dessin du MNAM par une sorte d'adéquation : tête contre tête.
Anne Baldessari
Notes :
1. Les trois Autoportraits analysés présentent l'artiste de trois-quarts ; il semble que l'on puisse associer à ces dessins un quatrième autoportrait de face (qui possède les mêmes dimensions que celui du MNAM). Cf. « Le Cateau-Cambresis 1988 », p. 86, n° 28, repr. L'ensemble de ces études est préparatoire à la vignette de couverture de l'ouvrage de Raymond Escholier paru aux Éditions Floury en 1937.
2. Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art, édition établie par Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, p. 43 (La Grande Revue, 1908).
3. Une reproduction de L'Autoportrait du MNAM non signé et non daté figure dans l'ouvrage Louis Aragon, Henri Matisse. Roman, Paris, Gallimard (vol. 2), 1971, p. 38.
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989
Bibliographie
Voir la notice sur le portail de la Bibliothèque Kandinsky
Matisse, la collection du Centre Georges Pompidou, Musée national d''art moderne : Lyon, Musée des Beaux-Arts, 2 avril-28 juin 1998. - Paris : éd. Centre Pompidou (sous la dir. de Claude Laugier, Isabelle Monod-Fontaine et Philippe Durey) (cit. et reprod. coul. p. 53 cit. et reprod. coul. p. 54) . N° isbn 2-85850-946-8
Voir la notice sur le portail de la Bibliothèque Kandinsky
Henri Matisse. Le laboratoire intérieur : Lyon, Musée des Beaux-Arts de Lyon, 6 décembre 2016-6 mars 2017 [dossier de presse] (Cat. n°147, reprod. coul. p. 211, légende p. 211)
Henri Matisse. Le laboratoire intérieur : Lyon, Musée des Beaux-Arts, 2 décembre 2016-6 mars 2017.- Paris/Lyon : Hazan/Musée des Beaux-arts, 2016 (cat. n°147, cit et reprod. coul. p. 211) . N° isbn 978-2-7541-0976-5
Voir la notice sur le portail de la Bibliothèque Kandinsky