Nu les bras levés
[1930 - 1933]

Nu les bras levés
[1930 - 1933]
Domaine | Dessin |
---|---|
Technique | Graphite sur papier vélin |
Dimensions | 32,1 x 24,7 cm |
Acquisition | Don de Mme Marie Matisse, 1984 |
N° d'inventaire | AM 1984-69 |
Informations détaillées
Artiste |
Henri Matisse
(1869, France - 1954, France) |
---|---|
Titre principal | Nu les bras levés |
Date de création | [1930 - 1933] |
Domaine | Dessin |
Description | Feuille de carnet |
Technique | Graphite sur papier vélin |
Dimensions | 32,1 x 24,7 cm |
Acquisition | Don de Mme Marie Matisse, 1984 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1984-69 |
Analyse
Ce nu agenouillé, les yeux mi-clos, dont les bras soulèvent la chevelure, se rattache à un thème central de l'œuvre de Matisse qui, depuis l'époque fauve, l'a conduit de l'étude des allégories de Michel-Ange aux Odalisques, au Grand nu assis, au plâtre Nu, les bras levés derrière la tête. En raison de son style graphique, cette feuille paraît contemporaine des recherches croisées menées par Matisse entre 1930 et 1933 autour de La Danse, des sculptures Vénus à la coquille I et II et de l'illustration des Poésies de Mallarmé1.
Le dessin présente certaines caractéristiques de la série Danseuses et acrobates : soulignement des articulations, musculature, sculpturalité linéaire du modèle dont la position peut-être assimilée à la figure d'une chorégraphie suspendue.
Les rapports de l'étude du MNAM avec la Vénus à la coquille I sont particulièrement visibles si l'on se réfère à la version en terre de la sculpture, détruite depuis, mais dont témoigne une photographie datant de 19292. On peut y lire un écartement identique des bras et une même torsion du tronc a contrario de l'axe des jambes. Traits que les versions ultérieures de la Vénus abandonneront pour une position des bras relevés à la verticale dans le prolongement du buste. Albert E. Elsen met en relation cette sculpture avec les recherches similaires de Henri Laurens3 dont Matisse partagerait alors la vision anguleuse et structurale rompant avec la « féminité » traditionnellement incarnée par Vénus4.
La filiation du dessin Nu, les bras levés avec certaines études graphiques pour les illustrations des Poésies de Mallarmé semble la plus forte. La qualité du trait et de la mise en page renvoie aux expériences d'impression par le procédé de l'eau-forte : « Des eaux-fortes d'un trait régulier, très mince, sans hachures, ce qui laisse la feuille imprimée presque aussi blanche qu'avant l'impression. Le dessin remplit la page sans marge, ce qui éclaircit encore la feuille, car le dessin n'est pas, comme généralement, massé vers le centre mais rayonne sur toute la feuille »5. Tête et pied déportés hors cadre, expansion du motif, linéarité réglée du tracé sont autant de caractéristiques de Nu, les bras levés dont l'arabesque ténue parcourt le champ complet de la page. La feuille du MNAM pourrait plus précisément être une étude pour le poème Hommage. La série des dessins préparatoires présente en effet un nu agenouillé, les bras pliés et relevés à la verticale. Louis Aragon en situe la source dans une petite photographie prise par Matisse en 1930 « Nuage à Tahiti » : « Ce nuage énorme, comme un fût de colonne sur un socle (...) éveille invinciblement l'idée d'une statue géante et voisine, une femme debout, quelque chose comme La Victoire de Samothrace sur son bateau. Le souvenir de ce spectacle est venu à Matisse, comme il allait illustrer Mallarmé. Il a retrouvé la photo, et c'est en la regardant, c'est de ce nuage qu'est née cette femme nue, ce mouvement prisonnier par en bas dans sa matrice d'orage. »6 Les vers de Mallarmé, souvent repris par Matisse en marge des projets pour cette eau-forte en constituent la clef. Ils jouent en effet sur l'ambiguïté du mot « nue », à la fois femme dévêtue et nuée :
« Quelle soie aux baumes de temps
Où la chimère s'exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends! »7
Anne Baldessari
Notes :
1. Dominique Fourcade fait l'hypothèse d'une datation de ce dernier en 1935-1936, in Cahiers du MNAM, n° 13, 1984, p. 13 et note l'indication de lecture avancée par Lydia Delectorskaya : « le nu ne serait pas agenouillé mais allongé, bras droit vers le bas, jambe gauche repliée ».
2. Photographie représentant Matisse en train de travailler à une 1re version de la sculpture Vénus à la coquille (détruite plus tard en 1929, repr. in Albert E. Elsen, The Sculpture of Henri Matisse, New York, Harry N. Abrams, 1972, p. 196).
3. Cf. Henri Laurens, Caryatide, 1930 (bronze) et Petit nu assis, 1932 (terre cuite).
4. Albert E. Elsen, The Sculpture of Henri Matisse, New York, Harry N. Abrams, 1972, pp. 197 et sq.
5. Henri Matisse, « Comment j'ai fait mes livres », in Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art, édition établie par Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, p. 211.
6. Louis Aragon, Henri Matisse. Roman, Paris, Gallimard (vol. 1),1971, pp. 101-103.
7. Stéphane Mallarmé, Poésies, Paris, Gallimard, 1966, p. 103.
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989
Bibliographie
Voir la notice sur le portail de la Bibliothèque Kandinsky
Matisse et Mallarmé : Vulaines-sur-Seine, Musée départemental Stéphane Mallarmé, 7 avril-14 juillet 2002 (Cat. n° 41 p. 151, reprod. p. 143)
Matisse painter as sculptor : Dallas, Dallas Museum of Art, 2007 // San Francisco, San Francisco Museum of Art, 2007 // Baltimore, The Baltimore Museum of Art, 2007-2008 (cit. p. 277, reprod. p. 249) . N° isbn 978-0-300-11541-3
Voir la notice sur le portail de la Bibliothèque Kandinsky
Un pais nuevo. Henri Matisse (1869-1954) : Centre Pompidou Málaga, 6 mars-9 juin 2019. – Málaga : éd. Centre Pompidou Málaga, 2019 (sous la dir. d’Aurélie Verdier) (reprod. coul. p. 56) . N° isbn 978-84-949006-5-5
Voir la notice sur le portail de la Bibliothèque Kandinsky