Où va le cinéma ? 2

« On voudrait imaginer qu'il existe dans l'ordre politique et social un équivalent de la scène primitive, où l'enfant se verrait découvrir non les ébats sexuels de ses parents, mais l'injustice du monde. Ce serait une scène historiquement déterminée, inséparable de l'idée démocratique et de ce sentiment vivace de l'égalité qui résiste aux assauts des puissants et des savants, ceux pour qui l'assujettissement est un fait de nature et ceux qui prétendent dicter les voies de l'émancipation. Qu'en serait-il alors du rapport entre cinéma et politique ? Il ne s'agirait pas de dessiller nos yeux obstinément fermés sur notre propre sort. Ce serait quelque chose de simple et complexe, qui jouerait avec la distance, la résonnance et l'incertitude. Car s'il existe une efficacité de l'art, « il s'agit d'une efficacité paradoxale : c'est l'efficacité de la séparation même, de la discontinuité entre les formes sensibles de la production artistique et les formes sensibles à travers lesquelles celle-ci se trouve appropriée par des spectateurs... »

Nous nous sommes tournés vers Jacques Rancière, philosophe et cinéphile, l'auteur de ces lignes pour nous accompagner tout au long de ces rencontres comme le maître ignorant qui « n'apprend pas à ses élèves son savoir, (mais) leur commande de s'aventurer dans la forêt des choses et des signes, de dire ce qu'ils ont vu et ce qu'ils pensent de ce qu'ils ont vu, de le vérifier et de le faire vérifier ».

Où va le cinéma ? Telle est la question que le Centre Pompidou a posée en décembre 2008 à plus de cinquante « acteurs » du monde de cinéma à travers onze tables rondes et cing jours de rencontres. Le succès qu'a rencontré cette manifestation nous a convaincus d'en faire le rendez-vous régulier de tous les cinéphiles réunis autour de celles et ceux qui font le cinéma.

« Où va le cinéma ? Cinéma et politique », c'est pour cette 2e édition : une conférence inaugurale de Jacques Rancière qui sera suivie d'un film de son choix ; des tables rondes organisées autour de longues conversations avec et entre les cinéastes Rabah Ameur-Zaïmeche, Serge Bozon, Pedro Costa, Elia Suleiman, Tariq Teguia et Koji Wakamatsu ; des films choisis par Jacques Rancière et Les Rencontres internationales Paris/Berlin/Madrid auxquelles nous étions déjà associés l'an dernier et qui proposeront à nouveau une programmation de films étroitement articulée à la thématique de cette édition.

En collaboration avec les Inrockuptibles