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L'artiste et son œuvre

Annette Messager

« Je recolle les yeux je décolle les oreilles
Je coupe des doigts
Je déchire un sein
C’est ma loi d’échanges
Je taille
Je mets en pièces
Morceaux de choix et bas morceaux
Je démembre
Je morcelle
Je hais le linéaire
J’épingle
Je sèche
J’humidifie
Je ressèche
Je n’enfante que des chimères. »

Faire Parade, 1971-1995

Annette Messager  est née en 1943 à Berck (France). Elle vit et travaille à Malakoff (France).  

Sensible depuis l’enfance aux modes d’expression marginaux et à l’Art brut, elle croise jeu et exorcisme dans son œuvre. Elle détourne les éléments de sa propre histoire en brouillant les pistes entre réel et fiction. L’artiste s’exprime dans une variété de médiums et sa production inclut des dessins intimes comme des installations monumentales.   

Dès ses débuts en 1971, Annette Messager oriente son travail vers une recherche identitaire. Elle s’attribue des titres qui démultiplient sa personnalité : collectionneuse, bricoleuse, femme pratique, truqueuse… Ses Albums-collections rassemblent des photographies, coupures de presse, croquis, notes, qu’elle « classe » thématiquement. Son intérêt pour le tissu, la broderie, la couture, se retrouve dans plusieurs œuvres de cette période et perdure ensuite.   

 Sa première grande installation est Les Pensionnaires (1971-1972), des oiseaux naturalisés et emmaillotés dans des tricots, qu’elle met en scène dans des vitrines.

Dans les années 1980, le caractère théâtral de son travail s’affirme, tant par le traitement grotesque des images que par leur installation dans l’espace. Pour Les Variétés (1980-1981), elle compose des formes à partir de fragments photographiques de visages ou de corps, et des fragments peints et qu’elle déploie sur les murs. Elle inverse les caractéristiques de ces deux médiums : la photographie est rehaussée de couleurs alors que la peinture est toujours en noir et blanc. Elle déforme les images et les échelles dans Les Chimères (1982-1984), de grands photomontages peints, essentiellement des parties de corps humain. À partir de 1988, l’artiste achète, dans des brocantes, des peluches qu’elle utilise dans ses œuvres pour symboliser de façon ironique notre part animale. Mes Petites Effigies (1988) est une installation murale qui mêle peluches, photographies de fragments de corps et mots (attente, désir, soupçon…) inscrits sur le mur.   

Au début des années 1990, Messager crée des installations (Fables et Récits) à partir d’objets qui s’entassent dans son atelier (robes, livres, peluches, animaux naturalisés…) et avec lesquels elle met en scène un récit. Pour Les Piques (1991-1993), elle place contre le mur des piques en métal sur lesquelles s’empalent des peluches démembrées ou des fausses cartes, des dessins. L’artiste fait référence à la fois à la Révolution française et aux manifestations contemporaines. Dans ses expositions, elle multiplie les points de vue sur ses œuvres, qui sont parfois pénétrables. Ses environnements sont constitués d’oreillers, de filets, de laine, de sacs plastique, des photos, des dessins d' objets divers… Elle utilise des morceaux de peluches pour former des lettres, une croix, une carte de France et elle compose un cœur ou une tête de mort avec des gants prolongés de crayons de couleur (Les Gants-Crayons). 

Les années 2001-2003 se caractérisent par la création des premières installations mécanisées informatiquement. Ainsi, articulés-désarticulés (2001-2002), réalisée à l’occasion de la Documenta 15 de Kassel en 2002, met en mouvement les créatures et les objets familiers du vocabulaire plastique de l’artiste. Suspendus par des cordes reliées à des moteurs, les personnages s’articulent et se désarticulent comme des marionnettes. Choisie pour représenter la France à la 51e Biennale de Venise en 2005, Messager conçoit une installation polymorphe intitulée Casino, pour laquelle elle reçoit le Lion d’or. Elle s’inspire de l’histoire de Pinocchio pour créer un univers fantastique dans lequel un pantin s’anime, une immense voile rouge se gonfle et laisse paraître des éléments en tissu et en métal qui évoquent un monde viscéral et des ruines. En 2007, sa rétrospective au Centre Pompidou mélange ses travaux anciens et récents et présente une création monumentale : des fragments de corps agrandis et emprisonnés dans des filets semblent chuter vers un petit personnage rappelant Pinocchio.

Dans les années 2010, Annette Messager connaît la consécration nationale et internationale et ses œuvres rejoignent les collections des plus grandes institutions. En 2017, alors qu’elle est invitée à exposer à la Villa Médicis à Rome, elle réalise le papier-peint Utérus pour l’atelier de Balthus (Balthuterus). En 2019 elle compose une série de dessins en lien avec une opération chirurgicale qu’elle a subi et qui lui a fait prendre conscience de sa vulnérabilité. Pendant la pandémie de Covid-19, le thème de la mort est traité alors avec humour et poésie dans ses aquarelles.  Au LaM (Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut) à Villeneuve d’Ascq, la rétrospective « Comme si » organisée en 2022, fait également l’objet d’un livre d’artiste, comportant des aphorismes, des extraits de citations et des dessins. En 2024, elle réalise sa première rétrospective en Chine au Power Station of Art de Shangaï. Les mondes étranges et parfois effrayants créés par Annette Messager détournent l’imagerie familière pour interroger notre rapport au corps, au langage, aux émotions et au désir.